2024/11/30 : La Ferté-Vidame, dernier tour de piste
Après quelques excursions vers d'autres modèles et d'autres marques, il était temps de "respirer Citroën" à nouveau.
A quoi sert l'Amicale Citroën ? questionnais-je un jour. J'ai ma réponse. Sur invitation de l'Amicale, deux amis Eric et Jacques membres d'une association Citroën (ce dernier étant ancien vendeur chez Citroën dès 1960) me proposent de revenir sur le circuit d'essais Stellantis - Segula de la Ferté-Vidame dans la région du Perche. Impossible de refuser. Le site étant vendu, ce 30 Novembre 2024 sera la dernière journée négociée de visites qui se clôturera par une fermeture définitive... vers un autre destin.
Rappelons que ce parc de 900 hectares est, depuis le 18 novembre 1938 date de son achat, réservé aux essais de roulage des véhicules Citroën (puis d'autres marques dont PSA) dans une atmosphère de secret jalousement gardé. Ici de nombreux mythes de la marque ont souffert pour que nous ne souffrions pas : Traction, 2CV, DS, SM, M35, GS, XM, Xantia, BX, AX, Visa, etc. Les ingénieurs et testeurs ont longuement ausculté leur comportement, leur usure afin de les corriger. Quel privilège de revenir dans ce haut lieu qui fête ses 86 bougies, cinq ans après le Centenaire (lire ici), qui plus est, le jour de la Saint André !
Après leur enregistrement au poste de garde (immatriculation, type, nombre de personnes à bord, ne jamais perdre les bonnes habitudes), les 90 Citroën anciennes et modernes arrivent peu à peu et se stationnent dans l'enceinte de la ferme. Que vont devenir ces bâtiments austères magnifiquement rénovés et soigneusement entretenus ? Il ne nous reste plus qu'une journée pour être nostalgiques de la notion de travail bien fait sans enjolivure.
Après les 50 ans de la CX, la Xantia Activa fête ses 30 ans. Désormais plus de fouillis sous le capot, la technologie se cache. C'est encore plus facile aujourd'hui : il n'y a plus de technologie.
Voici une belle Traction conduite par des jeunes avec des détails intéressants dont son logo du Garage Saint-Didier (lire ici). Non la voiture n'est pas "Beige Maintenon" mais "Béryl brun clair". Je n'ai pas eu le coeur à corriger.
Ci-dessous une belle C3 dans son jus, juste la magnéto et les jantes repeintes. Elle n'habite pas loin heureusement.
A son arrivée, la GS Birotor fait un tabac. Un attroupement se forme. "Je n'ai jamais eu un tel accueil", nous confie son conducteur. C'est pourtant normal pour une telle rareté. Elle roulera de concert avec la M35.
Après un petit déjeuner offert par l'Amicale, nous partons sur le circuit routier. Les consignes sur panneaux rouillés semblent dérisoires : à quoi bon mettre sa ceinture ?
Quelques vidéos de mauvaise qualité mais démonstratives.
https://www.youtube.com/watch?v=EIY1ZDW0izY
Pendant plus d'une heure nous circulons à vitesse modérée, presque religieusement, sur ces portions d'autoroute, de routes reconstituées alternativement d'asphalte neuf, de revêtement usagé (ornières, trous en formation en sortie d'hiver), rapiécé, de dallage, de stries, de pavage.
https://www.youtube.com/watch?v=W5Kqc3VdMOA
Nous passons devant les tunnels à eau qui permettaient de tester le comportement en aquaplaning, Des jets d'eau inondent la chaussée sur quelques centimètres modulables. Ici on teste l'aptitude en côte avec 4 rampes de différentes déclivités. Là, on teste la répartition du poids avec une série d'une montée courte se terminant en bas par un virage serré. Ici des caissons de réfrigération ou d'étuve pour contrôler l'étanchéité. Là des chicanes nous entrainent dans une danse du train avant.
https://www.youtube.com/watch?v=gkIxhYGOngo
https://www.youtube.com/watch?v=kUZZiU97n5g
Viennent ensuite les portions pavées au centre et ondulées sur les côtés puis les routes recouvertes de feuilles. Les pneumatiques du break C5 Tourer sont mis à rude épreuve.
https://www.youtube.com/watch?v=zjLuW75mta0
https://www.youtube.com/watch?v=U53TEp38CSY
Nous devons éviter de nombreuses sections abandonnées, balisées par des cônes. Malgré cela, nous emprunterons quasiment 80% du circuit. Après nous, la route sera vide.
Arrêt visite. Les hangars sont vides : ne restent que des bureaux aux tiroirs vides. Aucun outil ne trainera plus. Les portiques n'accèdent plus à rien. Plus personne ne circule. Et pour les petits malins qui ont connu la fin de Javel en 1976 : il n'y a aucun souvenir à emporter !
Il est passé midi. Nous sommes rassemblés sur la rotonde qui servait à présenter les véhicules. Nous comptons 72 équipages sur les 90 enregistrés.
Je rencontre alors Marc-André BIEHLER qui est le seul responsable du patrimoine que je n'avais pas eu la chance d'approcher. Inscrit dans la lignée de MM Cardinal, Herval, Huille, il vient de sortir un ouvrage original pour fervent citroëniste : l'histoire du Commerce Citroën avec son organisation peu connue du public car interne, justement vécue de l'intérieur*. Ce collector à s'offrir pour Noël contient de nombreuses archives inédites.
Il est l'heure de nous étaler au soleil ou de nous répartir dans le réfectoire ou les salles de projection de la Ferté, vides de tout matériel sauf tables et chaises pour un casse-croûte amélioré (au champagne). Certains sont très outillés : cette mallette était disponible au magasin Citroën C42 des Champs-Elysées.
Je fais la connaissance de Yannick BILLY qui travaillait au Conservatoire et qui vient de terminer la rédaction d'un opus consacré au site de la Ferté-Vidame avec l'aide de Christian bien connu des tractionnistes puisque sa voiture embellit le portfolio de mon Guide Traction tome 1. Après 6 ans de collecte d'archives, notamment des essais jusqu'ici inconnus de la Traction en Afrique en 1938-1939, cet ouvrage (dont la couverture cartonnée est en cours de modification) sortira pour Rétromobile en février 2025.
14h45 précises, nous partons pour un dernier tour du circuit, celui des essais de ville, suivi d'un grand tour du chemin de ronde du domaine au milieu de l'immense forêt jusqu'à ses lacs intérieurs dont l'eau ondule doucement sous le vent. Tout est paisible, même le vrombissement des bicylindres, des 4 cylindres dont certains suralimentés, des moteurs rotatifs et des V6 qui se glissent entre les arbres et les 9 km du mur d'enceinte.
Cette tranquillité s'explique. On ne plaisante pas avec le secret industriel chez Citroën : tourelles de garde, fossés profonds au bas du mur (où après intrusion, un journaliste sera parait-il laissé plusieurs heures avant d'être secouru), douves, grillages, portes épaisses, panneaux d'interdiction. Le "petit arrêt technique" en forêt est à proscrire : les arbres sont truffés de caméras de surveillance...
A 16h30, nous quittons le site le cœur lourd. Adieu la Ferté-Vidame : aucune raison d'y revenir.
Adieu à cette harmonie paradoxale entre une nature paradisiaque préservée et un cadre de travail mécaniquement rigoureux. Puisque tout est désormais dans l'ordinateur… d'ailleurs la preuve.
Dernier baroud d'honneur : le soleil Citroën disparait de la Ferté-Vidame
En prolongation, la très belle revue n°19 de l'Amicale Citroën, bilingue français-anglais, distribuée à ses membres.
Cordialement
*ce qui n'avait jamais été fait auparavant selon moi.
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