Gustave Baehr
Il est dommage que les ouvrages dits de référence ne se penchent que de loin sur l'époque bénie des débuts de l'automobile. Ainsi par exemple Gustave Baehr est-il passé sous silence. L'actualité le commandant, peut-être est-il temps de lui rendre hommage en évoquant sa très grande contribution au monde de l'automobile. Sa généalogie est disponible sur internet pour qui cherche un peu et je remercie la personne qui a effectué ce travail de l'avoir mis ainsi à disposition. Je fais de même avec ce que j'ai trouvé.
Né le 25 juillet 1881, à Paris.
Officier du Nicham Iftikar (1912), Chevalier de l'Ordre de Léopold de Belgique (1926), il se marie le 22 février 1913 à Nancy à Germaine Michel dont il aura une fille Ginette décédée en 1996.
Conducteur du général Dubail d'août 1914 à février 1916, nommé sous-officier en avril 1917. Détaché au Ministère de la Guerre pour organiser le service du Cinéma dans les cantonnements du front, il est vraisemblable qu'il rencontre Citroën à cette époque.
Créateur de Baehr & Cie, la première compagnie de taxis parisiens en 1906, il devient concessionnaire exclusif des automobiles Delahaye de 1909 à 1913. Il fonde les établissements St-Didier Automobile à Paris à cette époque.
Il diffuse de nombreuses marques américaines (Willys-Knight, Chrysler, Lincoln) et les marques françaises en neuf et occasion dont les Citroën AC4 et AC6 et tente de relancer l'activité de la firme Sizaire en les équipant de moteur sans soupapes Knight. Le modèle Six possède déjà des roues indépendantes et des freins hydrauliques ! Il effectue en 1928 4795km en prise directe dans un grand tour de France sous le contrôle de l'ACF. Jean-Albert Grégoire évoque Gustave Baehr comme étant un étonnant animateur. Tracta sera son premier client en ce qui concerne les freins Lockheed.
Baehr crée des filiales à Vienne, Berlin et Varsovie et des représentants dans presque tous les pays. Cette société de grande importance a employé jusqu'à 500 personnes. Les véhicules exposés sont si nombreux que le slogan est vite trouvé : ce sera le "Salon Automobile Permanent". Devant le succès de ses entreprises hardies, Gustave Baehr se diversifie et se lance en 1928 dans la vente d'articles de sport, de location d'automobiles de luxe et de courts de tennis couverts. A Paris, ses établissements sont vastes, modernes et connus. De nombreuses cartes postales seront éditées (je les ai quasiment toutes, c'est un thème gratifiant pour un auteur)
Le court de tennis (haut et bas)
L'American Skating Rink
La station service (située à une autre adresse), le magasin des accessoires et les bureaux luxueux :
Le magasin d'exposition qui sert également de show-room pour l'aviation... Admirez son éclairage par luminaires art déco élégants et simples. Nous sommes à l'époque des garages monumentaux comme celui de Banville ou de la rue Marbeuf.
Garage moderne pour hommes modernes dans la même lignée qu'André Citroën, Le Corbusier, Gabriel Voisin, Sensaud de Lavaud, etc.
Administrateur fondateur de la Carrosserie Manessius (fondée en 1919, propriété de Manès Levy... autre ami d'André Citroën). La guerre terminée, il invente de nombreux dispositifs pratiques dont la carrosserie "Transformable" brevet déposé le 31 mars 1920 et exploité pendant dix ans dans le monde entier. Par un astucieux système d'articulations, de pièces amovibles et escamotables, une voiture fermée se transforme en torpédo en quelques minutes. Ce brevet sera maintes fois complété (capotage, fixations, étanchéité, etc.) et déposé dans le monde. Il dépose notamment en 1937 un brevet d'étanchéité au moyen d'une feutrine de jonction entre deux glaces coulissantes (cf. principe des glaces sur l'Ami6).
Publicité d'époque du Transformable. A droite, une rare Delage Transformable Manessius...
Roulant comme son ami André Citroën (le monde automobile à cette époque est un microcosme où tout le monde se connait et les passerelles sont nombreuses) en Hispano, le 10 avril 1923 accompagné de Robert Bloch, il bat le record du trajet Paris-Nice en 11 h 24 mm avec une Hispano 32 CV légèrement carrossée. Citroën, Rosengart, Delage roulent en Hispano. Produite à très faible cadence, la H6 est largement exportée dans tous les pays du monde, notamment aux Etats-Unis
Dès juillet 1927 il devient conseiller pour le Commerce Extérieur de la France et actionne ses relais pour permettre à André Citroën de représenter l'Europe des Constructeurs lors de sa conférence aux USA en octobre 1931. Les contacts de Baehr aux USA lui font comprendre l'importance du développement des freins hydrauliques sous pression hérités de l'aviation et leur apport en matière de sécurité. En 1928, il achète la licence exclusive et fonde et administre la Société Française des freins hydrauliques Lockheed de 1928 à 1931. C'est lui qui présente cette innovation à André Citroën qui va l'adopter sur ses toutes nouvelles Traction avant en avril 1934. Baehr fournit également les véhicules américains étudiés par le bureau d'études Citroën que ce soit en matière de moteur flottant (que Baehr adoptera comme logo), d'architecture générale issue des brevets Budd ou de conception des blocs. Il semble fort probable que ce soit lui qui ait fourni les nouvelles Ford V8 à Javel pour l'étude du 8 cylindres Citroën.
Exemple de plaques d'identification du garage apposé sur les voitures.
Le premier logo est le déclencheur de cet article que j'avais en stock (remerciements à l'internaute Bob971 qui l'a posté). Le deuxième modèle est plus courant (un cache roue est actuellement en vente avec ce logo). A noter que le logo de droite Moteur Flottant a été refabriqué en neuf dans les années 80 en métal argenté émaillé bleu blanc rouge. Ma Traction 11AL le comportait mais partiellement abîmé ce qui m'a obligé à le démonter (fixation par vis centrale). On voit que le logo au centre a été amputé des créneaux qui symbolise la ville fortifiée de Paris : logo pour modèle français exporté ?
Baehr devient tout naturellement administrateur délégué et concessionnaire exclusif de la Société Citroën à partir de 1931. Il participe activement au soutien du raid Lecot.
Sur ce papier à entête, on retrouve le logo avec créneaux*
Eprouvé par la liquidation de Javel et le décès du Patron, il continue de réfléchir à ses heures perdues et dépose en 1936 un étonnant et incongru brevet pour ouvrir ou fermer à distance trois clapiers à lapins simultanément.
En 1938, il est nommé au grade d'Officier de la Légion d'Honneur. Il est alors Président de l'Union Syndicale des Chauffeurs d'Automobiles de France. En homme moderne et sportif (un peu comme Georges-Marie Haardt) on lui doit la création de la colonie de vacances de l'île d'Aix (commune dont Fort Boyard dépend). Cette info date de 1938 donc fiable mais le mystère demeure : ou les lieux ont été débaptisés ou ils ont été détruits. Les recherches se poursuivent...
La sécurité en voiture étant son cheval de bataille, il dépose en 1945 un brevet d'antivol pour automobiles, un système d'anneau reliant la commande de vitesse au volant par une chaîne empêchant toute manoeuvre. En 1949, il invente une pédale de frein à deux étages pour permettre de freiner avec les deux pieds l'un au-dessus de l'autre pour doubler la puissance.
Entre 1920 et 1952, ce sont pas moins de 60 brevets déposés. Il est parallèlement élu maire de Sailly (78). Mes recherches se poursuivent aussi dans cette direction.
Il décède en 1954 et est inhumé au cimetière du Montparnasse. Le grand garage Saint-Didier sera ensuite dirigé par son fils Jacques et son gendre Guy Deschamps.
http://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=gustave&n=baehr
* extrait page 73 de l'excellent ouvrage François Lecot 400000km en Traction 1935-1936 par Fabien Sabatès et Gilles Blanchet éditions SPE. C'est d'ailleurs là que j'ai reconnu ce logo.
© 2014 Jérome COLLIGNON
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