Le blog de Jérome COLLIGNON

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Collectionner un véhicule ancien

Que vous soyez novice ou aguerri (et alors vous pardonnerez quelques énonciations basiques), cet article est fait pour vous. Il a été rédigé pour vous expliquer la passion du Collectionneur d'un véhicule ancien (par abréviation : VA), ses motivations secrètes et peut-être vous donner à vous aussi l'envie de plonger.

 

Voilà une passion qui, même si vous ne possédez qu'un seul VA, fait de vous un collectionneur. Quelles sont ses caractéristiques ?

 

 

Hier : une découverte.

Habituellement on casse, on jette, on rachète, c'est la loi du marché, du progrès, de l'économie. Bientôt on réparera de plus en plus, la production laissant une place plus large au recyclage. Il se trouve que la passion pour un VA anticipe sur cette tendance depuis longtemps.

 

Il y a quelque chose d'incongru à se passionner pour un vieux mécanisme qui fonctionne encore ou à essayer de le faire fonctionner : en réaction contre le progrès mais aussi par choix esthétique. Soudain on découvre des pièces belles, bien conçues, bien finies, solides (parfois rustiques) et l'on en vient à s'étonner de la futilité ou de l'aspect quincaillerie de nos objets modernes. Parfois s'y mêlent l'histoire, petite ou grande, la rareté d'un modèle qui s'est mal vendu, réservé à quelques privilégiés ou peu conservé car complexe ou sacrifié par une guerre ou appartenant à un courant artistique connu, alors c'est le summum. L'objet prend une valeur patrimoniale, testamentaire, devient un trésor à préserver. Tel est le sens profond de la démarche de collectionner, beaucoup plus que celle d'accumuler.

 

Gratter la rouille et voir ressurgir les formes, la fonction (un barillet de porte par exemple), la peinture (teinte oxydée), le brillant (chrome) est vécu comme le réveil d'une force endormie, un voyage dans le temps, une re-création. Sous l'apparente laideur du délaissement se cache une beauté soudain reconnue, sous une vieillesse apathique, une jeunesse pétulante, sous une articulation asthmatique, la fluidité retrouvée.

 

L'emboutissage de tôles rondes recèle une double promesse artistique : celle du styliste inventeur des formes, celle de l'ingénieur, régleur de la machine qui leur a donné vie. Dans les deux, le perfectionnement du geste et pour le collectionneur la possibilité de se l'approprier.

 

Le collectionneur de VA est au même rang que les collectionneurs d'art, tableaux, bijoux, manuscrits anciens et ses salons sont autant de vernissages pour exposer au monde des oeuvres uniques.

 

Une fois franchie l'étape de l'achat, plus facile est le renouvellement du choix. C'est ainsi que se crée la Collection.

 

 

Aujourd'hui : le retour du "faire soi-même".

Notre société a profondément évoluée depuis 1945 en connaissant deux phases, la première un exode rural avec regroupement des terres, diminution du nombre d'agriculteurs au point qu'ils ne représentent plus qu'un petit pourcentage des métiers exercés, ensuite la disparition progressive du secteur secondaire (transformation des matières premières) avec délocalisation des fonderies, industries, sous-traitants, constructions automobiles.

 

Nous vivons désormais dans un monde de services : aides à la personne, santé, banque, télécommunications, alimentaire, etc. Grâce à l'informatique, elle est même devenue une société d'assistance, d'abonnements et de prélèvements mensuels.

 

Dans celui de l'Automobile, chacun aura remarqué deux tendances : l'insistance des constructeurs à proposer des extensions de garanties et à mensualiser l'entretien mais également la complexification du processus de réparation. Les voitures sont désormais conçues pour n'être réparées que par des spécialistes en réseau disposant d'un programme informatique, d'un outillage dédié, d'une base de données traçant les interventions, de la mainmise sur les tarifs et la périodicité des visites.

 

La complexité informatique des véhicules modernes qui rebute, éloigne (son but étant d'allonger la liste des services proposés type assistances, GPS programmables, etc.), enferme dans une dépendance, génère en réaction un intérêt pour de la technique accessible. La passion pour les VA nait de cette volonté de revenir à une appropriation technique de son bien :

- en intervenant soi-même, de façon indépendante, réparer sa voiture ayant plusieurs vertus :

- la fierté de réaliser de ses mains

- l'acquisition d'un savoir

- la possibilité de transmettre à autrui et de créer du lien social

- la recherche de la bonne pièce au bon prix et donc la possibilité de faire des économies.

 

 

L'intérêt pour la technique :

En raison de la préparation à un monde plus économe en énergie, certains mécanismes ont été abandonnés, par exemple la suspension hydraulique au profit d'équipements électriques ou électroniques. Les véhicules actuels sont riches en informatique embarqué mais pauvres en technologie visible. J'exclus là toutes les recherches sur les nouveaux matériaux qui sont cachées aux yeux du public : nouveaux aciers, plastiques, métaux rares des conducteurs ou batteries.

 

Le goût pour réparer soi-même peut conduire à s'intéresser à des technologies anciennes accessibles car composées d'éléments simples démontables et isolables : leviers, joints, ressorts, poulies, boulons, vis, tuyaux, etc. alors que la technologie moderne emploie des circuits électroniques, des boitiers sertis, des ailes soudées, des caches en plastiques prévus pour casser au démontage, etc.

 

 

L'intérêt pour le design, la qualité, une certaine élégance

Les véhicules modernes dessinés par ordinateur recherchant l'efficacité d'usage et l'économie d'emboutissage offrent souvent des lignes massives, peu sculptées, répétitives. Le collectionneur de VA peut rechercher la beauté de lignes dessinées à la main, sculptées (ailes non intégrées, phares posés, roues dans les ailes, courant artistique) et souhaiter se démarquer par des lignes originales.

Même s'il n'est pas amateur de technique, le collectionneur peut vouloir rechercher un environnement de qualité. Dans un VA, les matériaux utilisés sont nobles, mis en valeur par le travail artisanal : bois, acier, aluminium brossé, tissu naturel, cuir, bakélite, zamak.

 

Le souhait d'être entouré, oserais-je dire habillé de beauté, va avec un intérêt pour les belles choses, notion qui, bien que malaisément définissable est aisément admise par tous. A cela peut s'ajouter l'orgueil de faire valoir son goût au volant d'une voiture différente (dandysme).

 

 

L'intérêt historique :

Peuvent susciter un intérêt : le VA qui a contribué à l'histoire du pays (par exemple une auto présidentielle) ou a contribué à façonner une image nationale (ex : la baguette, le béret et la 2CV) ou a bien servi (ex : TUB panier à salade, 4L de la Poste). Rouler avec lui fait revenir des clichés, des films (DS de Fantômas) ou des événements d'époque (une rencontre, un mariage, une crevaison sous la pluie, des vacances) ou donne la sensation de revivre une époque. A partir de cela peut se développer la passion pour une époque précise, la volonté de la faire revivre par des photos dans des lieux restés intouchés ou par des manifestations (ex : Nationale 7).

 

 

Le goût de ralentir, du savoir-vivre :

Le plaisir de conduire un VA regroupe des sensations que n'offre pas un véhicule moderne. En général le véhicule ancien offre moins de frontières avec la route et son environnement.

- sa vitesse moyenne autour des 90km/h correspond heureusement à nos limitations de vitesse

- son habitacle est plus rustique, plus bruyant, l'étanchéité peut laisser à désirer

- son équipement basique (parfois sans autoradio) incite à se concentrer sur sa conduite et la technique

- ses performances sont limitées ou par la puissance du moteur ou par la technologie (ex : matériau tel que la fonte, taille et profil des pneumatiques)

- ses commandes sont originales et non automatisées : tirettes à pousser ou à tourner, vitesses non synchronisées, portières à fermeture manuelle.

- la rareté des pièces ou du modèle, le budget ou les heures de réparations passées dessus font que l'on économise sa conduite, prend soin du véhicule et de ses équipements.

 

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Le coût :

Il faut avouer que si la recherche de pièces d'époque à bas prix, leur restauration, la main d'œuvre (gratuite lorsqu'on sait faire) peuvent compter pour rien ou presque dans cette passion, l'investissement sera de toute façon réel. Il ne faut guère espérer réaliser de substantiels bénéfices avec un véhicule ancien (garage, outillage, assurance, vignettes, CT, carburant, consommables), l'idéal sera de rentrer dans ses frais. Certains véhicules voient leur cote grimper (cabriolets Traction) ou exploser subitement (Citroën SM en 2016).

 

 

Avant de devenir collectionneur :

Bien étudier le modèle que l'on souhaite acquérir. Combien se lancent sans trop savoir. Pour cela :  

- n'hésitez pas à parcourir les manifestations et bourses d'échange et à discuter.

- rencontrez des propriétaires, questionnez-les, ils seront ravis de parler de leur voiture.

- étudiez un peu la nomenclature des pièces (si elle existe)

- faites-vous une idée du prix des pièces habituellement à remplacer

- connaissez-vous vous-mêmes : saurais-je faire ? Ai-je les outils et le garage ? Ai-je des compétences ? Suis-je bien entouré ?

- préparez votre budget afin d'éviter les mauvaises surprises.

 

Détenir un véhicule ancien est un privilège qui n'est pas à la portée de toutes les bourses. Essayons d'être une famille solidaire sur la route.

 

 

A propos du goût :

Evoquons un thème rarement évoqué. Je suis toujours étonné qu'en France, pays du goût et du savoir-vivre, ses habitants soient les plus mal chaussés. Qui enseigne que pour embellir, il faut accessoiriser ? Quelques conseils :

- sur votre ancienne, évitez les teintes de peintures qui vous font plaisir, préférez celles sorties en série. En général, elles ont été choisies avec soin par le constructeur pour mettre en valeur les lignes de son modèle. Etudiez ce qui se faisait dans les mêmes années chez d'autres constructeurs : l'harmonie préservée entre intérieur et carrosserie lorsqu'on ouvre la portière, la présence ou non de Jantex, de flancs blancs, de filets de peinture, lesquels et leur couleur.

- évitez de surcharger votre véhicule de clinquant à la mode des années 70 : peau de léopard, moumoute, objets publicitaires, chromes à profusion (sauf s'il s'agit d'un fourgon à thème par ex. ou d'une auto des années 70).

- Ostentatoires, agressifs, criards, les codes du tuning sont stéréotypés : surbaisser pour faire croire à un véhicule sportif, gonfler la mécanique, la chromer, chromer aussi l'échappement (je me demande bien pourquoi !), garnir de cuir et de tuyaux, rendre agressif ou tribal (teinte flashy, flammes, tête d'indien), nihilisme (têtes de mort, ossements), brut (rouille vernie), sombre (vitres fumées). Il ne restera bientôt plus aucune Ford V8 d'origine.

- Evitons certaines immatriculations qui reprenaient le type de l'auto (rien de plus redondant) et les inscriptions touchantes mais kitsch "Marcel et Jeannine pour la vie".

 

 

En conclusion :

Au volant d'un véhicule ancien, vous êtes certains d'être environnés de beauté, d'histoire, de simplicité, d'humanité. Le confort tue l'instinct en habituant à la passivité et à l'assistanat. Au diable, le virtuel ! Vous avez des mains, des pieds, des yeux, une mémoire : n'est-il pas temps de vous en servir à nouveau ?

 

 

Sur ce, bonne route !

 

 

Pour entrer encore plus dans le monde de la Collection, cliquez :

Sous l'angle vécu :

Chronique d’un collectionneur

Sous l'angle financier :

La valeur des choses



09/07/2019
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