Le blog de Jérome COLLIGNON

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Chronique d'un collectionneur I

Lorsqu'on entre dans le monde de la collection de véhicules anciens, il arrive toutes sortes de choses qui n'arriveraient pas si l'on restait en robe de chambre dans son canapé. Résumé d'une journée épique qui vous fera sourire (enfin j'espère).

 

Je dois transporter la voiture ancienne d'un ami qui, après étude des données constructeur, pèse 1500 kg. J'appelle donc une agence de location de camion porte-voiture.

- Houlala monsieur, c'est la période des fêtes, notre personnel est en effectif réduit pour vous recevoir.

(c'est vrai, j'oubliais qu'en France on déteste le travail et que sont plus importantes les vacances et la retraite à 55 ans. Il n'y a donc plus personne avant et après les fêtes, pas le lundi car on se repose du dimanche, pas le mercredi car c'est le jour des enfants et pas le vendredi qui est un jour de RTT).

- Et puis monsieur, nous ne faisons pas de 1500kg de charge utile. Le maximum, c'est 1T ou 1,3T.

 

J'appelle une dizaine d'agences : même topo. Cela me parait mal engagé. La date du transport approche dangereusement. Premier miracle : je trouve à 35km de ma ville un indépendant qui loue un tel camion. En désespoir de cause, sans trop y croire, vendredi 18h00, j'appelle :

- Oui, j'ai un camion porte-voiture.

- Fait-il 1,5T de charge utile ?

- Oui mais pas plus.

- Est-il disponible pour lundi prochain ?

- Attendez, je regarde. Oui c'est bon.

- A quelle heure dois-je le ramener ?

- Je bosse de 6h00 à 20h00, 6 jours sur 7, je suis là.

 

Me voilà sauvé. Le samedi, je m'y rends pour signer les papiers. 1ère étape gagnée.

 

Lundi 7h00 : départ pour me rendre à 7h45 chez le loueur. Il fait encore nuit. Je fonce. A 100km/h, je me tape une buse qui décolle devant mes phares (au lieu de fuir vers le champ). Heureusement pas de dégâts apparents sur mon véhicule bardé de caméras de détection de ceci ou de cela (mais qui n'a pas détecté la buse, faut pas a-buser).

Chez le loueur, bonne surprise, le camion est quasi neuf avec treuil électrique. Evidemment il est du même type que ceux des agences de location qui ne veulent pas le charger plus d'1.3T… Pas de GPS mais un régulateur de vitesse. A noter que la consommation de gazole sera faible : moins d'un demi plein aller et retour (7h30 de route en tout). Du beau matériel. Même s'il n'est pas à moi, je vais en prendre soin car je ne suis pas un gougnafier.

 

08h00, la route commence. Parlons-en de la route. Fini le temps des rêvasseries au volant. Vous avez intérêt à rester bien concentré, à repérer tous les panneaux de limitation de vitesse, noter leur changement et surveiller les radars placés avant ou après. Comme Lecot, je me dope au café froid.

 

Arrivée chez l'ami. A trois, on pousse la voiture pour l'aligner sur les rampes. On prépare le câble mais problème, celui-ci va soulever le parechoc. On trouve une forte chaîne pour faire liaison. Je renverrai la chaîne par courrier…

 

Au moment de brancher le treuil, rien ne fonctionne. On cherche : rien. Rien non plus dans les documents de bord consacrés au fourgon mais pas à la configuration plateau. On avise que le câble de la télécommande a été coupé puis réparé. Va-t-il falloir couper à nouveau ? Je me rappelle qu'il existe un coupe-circuit pour le treuil mais où ? Impossible à trouver. J'appelle le loueur.

- Ah oui, j'avais oublié de vous indiquer l'emplacement du coupe-circuit ainsi que le rangement de sa petite clef.

 

On monte la voiture et on installe les butées (il a fallu comprendre comment elles se fixaient : non intuitif et pas de doc, à noter que mon dernier chargement remonte à 2003, c'est-à-dire à du matériel d'il y a 16 ans). On la cale en laissant 30-40cm de distance par rapport au garde-fou du camion. A l'arrière le loueur ne fournissant pas de sangles, j'en ai pris une petite à moi sous-dimensionnée pour du 1,5T mais en faisant plusieurs tours… On serre et on cale avec des madriers de bois que je ficelle pour qu'ils ne viennent pas percuter le parebrise de la voiture qui roulera derrière. Tout étant serré et calé, on va manger un bon petit plat au four. 2ème étape gagnée.

 

Moment des adieux, quelques larmes puis l'ami jette un œil sur le toit de sa grange : une fumée noire s'en échappe. Incendie du four sur un volume de 10 m3 de pièces détachées, de journaux, livres, etc.  Début d'affolement, on coupe l'électricité et on appelle les pompiers (viendront à deux fourgons en 12 minutes !). Pas de tuyau d'arrosage, à l'aide de bassines, de broc, remplis à tour de rôle, on circonscrit l'incendie en 40min. Les pompiers abaisseront la température du foyer avec une pression moyenne en faisant un travail très correct sans mouiller ce qui ne brûle pas.

 

Après une heure de décalage sur mon horaire, la situation étant en mains, je pars. Au bout de 10 km, la gendarmerie nationale qui patrouillait, me repère et me suit. Ils ont dû froncer les sourcils devant le bricolage des cales ficelées. Mais le camion est neuf avec tous ses feux de gabarits neufs. Je respecte alors scrupuleusement les limitations en freinant devant les villages pour montrer que j'ai pris en compte le code de la route. Au bout de quelques kilomètres, ils m'abandonnent. Je roule à 80-90km/h. La voiture portée bougera à peine, déport de 10 cm en tout. Je m'arrêterai plus tard pour vérifier la tenue du serrage des sangles.

 

La route parlons-en : la France n'a plus de finances. Les panneaux "trous en formation" se multiplient et les pneus souffrent. L'heure avançant et la route redevenant bonne, je finis par rouler à 106km/h. Mais quelle perte de temps ! Arrivée à 19h00 sans encombre. 3ème étape gagnée !

 

Je dois rendre le plateau pour 20h00. Je suis seul pour décharger. La voiture étant large, va-t-elle passer la porte du hangar ? Merde, j'ai pensé à tout sauf à cela. Au final, en deux manœuvres je rentre un bout du plateau dans le hangar, en calculant que la voiture au sol permettra la fermeture des portes. Il reste 10 cm de libre de part et d'autre du plateau. Pour passer, gaffe aux feux de gabarits… Au moment de décharger la voiture, elle refuse de descendre. Je pousse : rien à faire. Je file chercher ma lampe de poche à manivelle : déchargée. Je mouline pour voir : un pneu (d'époque) dégonflé. Sachant qu'il existe un compresseur dans ce hangar, je le cherche et le trouve : il est tellement bien rangé qu'il est démonté et quasi vide. Ne sachant pas combien de temps, je peux mettre en recharge, je vais tenter le coup. Je porte le compresseur pour le passer au-dessus du plateau entre la porte et la voiture. Je tente de gonfler : pas assez de pression. Retour à la case départ. Je veux brancher la prise. Quelqu'un a tordu les fiches de la prise. Je cherche après une pince, miracle, j'en trouve une et redresse la prise. Je mets en charge 2 minutes et constate que cela a suffi. Au moment de gonfler, je me dis que j'ai détendu le câble d'amarrage et que la voiture va descendre d'un coup. Je retends le câble. Je gonfle et enfin en ajustant les rampes petit à petit, je décharge la voiture (je vous passe les manœuvres pour éviter différents obstacles). Je range les rampes, les cales, le matériel du camion, le compresseur, il est 19h50. Vite, prévenir le loueur. J'appuie sur mon portable : plus de batterie. Saleté d'électronique : non seulement nous en dépendons mais lorsqu'elle défaille, impossible de bricoler avec du fil de fer ou du scotch, nous sommes complètement démunis. Cela nous promet de belles générations d'assistés désespérés…

 

J'éteins et rallume le portable : batterie pleine ! Du grand n'importe quoi, pas fiable. J'appelle le loueur qui me dit : ce n'est pas grave vous me ramènerez le camion demain. Pour moi c'est la perspective de dormir dedans devant le hangar par -2°C… Prétextant que je ne suis pas loin, il accepte avec bienveillance de m'attendre. Je rends le camion à 20h25 sans souci. Très bon contact avec ce loueur indépendant, extrêmement disponible, rien à voir avec les chaînes de franchisés qui font leurs heures sans se soucier du client. 4ème étape gagnée !

 

Je reprends ma voiture bien fatigué. La réserve d'essence s'allume. Pas grave, je referai le plein en arrivant. Arrivé dans ma ville, première station : plus d'essence. De la 2ème à la 7ème : idem. J'ai presque fait le tour de la ville et la réserve clignote désormais. Il me reste de 3 à 5 km d'autonomie insuffisants pour rentrer chez moi. Gros coup de flip, je vais me retrouver ou coincé dans ma voiture garée n'importe où, ou contraint de marcher 5-7 km à pied par -2°C. Je peste contre cette grève de privilégiés : qu'ils veuillent bien me rayer définitivement de la liste de leurs amis. 8ème station : de l'essence ! Je fais le plein à ras bord, j'en renverse même, pour un peu je me doucherais avec et je danserais dans la station. Je bénis la pompiste. Elle aurait pu doubler le prix que je l'aurais achetée quand même. L'essence, c'est la vie ! C'est la liberté ! C'est la modernité ! C'est le confort !

 

Rentré chez moi à 22h00, je m'écroule.

 

A Jean-Michel, Christine, Maurice, Jean-Michel, Xavier.



31/12/2019
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