Panhard Dynamic X77 : passionnante remise en route (part II)
En raison de la lourdeur de l'article, la suite a été reportée ici. Le début de l'article est ici : cliquez
Chapitre VIII : la mise au point
Une fois les éléments réparés, restaurés, remplacés, présents, il faut les régler : par exemple les phares. M. NAMIK disposant d'un Réglolux Marchal s'est attelé au réglage des faisceaux. Si les codes ne doivent pas dépasser la 2ème ligne, par contre les phares doivent être bien centrés, voire pour celui de droite légèrement décalé vers le bas côté de la chaussée pour ne pas éblouir en face. Qui contrôle ces points sur son auto ?
Chapitre IX : un sérieux nettoyage
Il prend plusieurs formes.
L'auto ayant roulé dans la terre, on en retire un demi seau dont certains morceaux atteignent le centimètre. Tout dépend de l'épaisseur et des conditions d'entreposage. Epaisse et sèche, elle peut protéger mais en général la terre se charge d'humidité et accélère la corrosion de l'acier. Sur la peinture cellulosique côté droit, un idiot a gravé Zorro. Le graphisme, la référence montrent qu'il ne s'agit pas de l'oeuvre d'un enfant récent. Un coup de polish permet d'atténuer le sacrilège.
Egalement négligée, du plâtre a maculé et éclaboussé la carrosserie. Un mouillage long ne réussissant pas à attendrir cette matière, EN est contraint de gratter un par un les quelques 1500 micro points repartis en trois endroits différents non sans dégâts collatéraux : quelques secondes d'inattention contre de longues heures de patience. Il était temps qu'un passionné s'occupe d'elle...
Certaines pièces rouillées n'ont nullement besoin d'être poncées et repeintes ; au collectionneur de faire preuve de discernement. Lorsque la peinture est d'excellente qualité comme l'étaient les laques des années trente, un frottage à la paille de fer puis à l'essence et la teinte ressurgit.
Pour terminer avec l'extérieur, EN sans grand espoir passe un coup de polish sur la peinture cellulosique pour essayer de récupérer un peu de noir brillant. Le résultat est tout bonnement stupéfiant, au-delà des attentes. La peinture tendre assez épaisse se décrasse très bien et les pigments ressurgissent. Ci-dessous une photo de la différence.
Il est temps de passer à l'intérieur. Un brossage sérieux de la rouille dans le coffre et l'adjonction d'une moquette coupée sur mesures, récente certes mais dans le ton et solide, améliorera, pour l'installation de bagages.
Chapitre X : travaux de carrosserie
Il est temps de passer à un peu de carrosserie. En effet l'auto est percluse de trous, de griffures, de pliures, certains dégâts étant d'après l'état de la rouille grêlée anciens, d'autres plus récents. Comme EN souhaite dans un premier temps préserver la peinture cellulosique d'époque et qu'aucun carrossier n'est motivé pour des retouches sporadiques, il décide qu'il n'est pas plus bête qu'un autre et s'attaque à la question. Sa première action est d'arrondir un vieux marteau à la meule. Patiemment il reprend ensuite toutes les bosses. La tôle est de si bonne qualité que presque 90 ans après elle s'arrondit avec sensualité sous la paume de la main. C'est une merveilleuse expérience.
L'aile arrière (partie arrière) a subi un choc de circulation ou de manoeuvre. La planche donne une idée du creux prononcé.
D'abord reprendre les arrondis supérieurs ensuite essayer de récupérer les arrondis latéraux en tirant l'aile vers l'extérieur. Ce dernier point sera fait grâce à un cric de Traction. Pour finir reprise de la joue d'aile avec hélas perte de morceaux de peinture cellulosique, dégât collatéral impossible à éviter malheureusement.
Ensuite chaque trou ou trace de rouille est dérouillé ou nettoyé à la brosse ou à la dremel, parfois jusqu'à la tôle nue. Pour finir peinture, EN reconnaissant volontiers que ce n'est pas son fort, surtout au pinceau. Ladite peinture est du noir à ferronnerie épais à poser, donc s'étirant mal, qui n'a d'autre but que de protéger provisoirement la carrosserie de l'oxydation avant une réfection complète. Pour bien faire les choses, il faudrait apposer un mastic, poncer longuement et peindre au pistolet.
On en profite après brossage pour repeindre le coffre. Etat d'avant :
Etat après : résultat ignoble mais le voilà protégé de la rouille. C'était l'urgence. Reste le toit : cela ne va pas être facile, la voiture est haute et large...
La folie du marteau de Thor amène à corriger d'autres endroits ce qui économisera de nombreuses heures de professionnels... Le soubassement ayant "tapé", redressage par la méthode du coin de bois : on ponce et on arrondit une planche qui va correspondre à l'espace à corriger. Il n'y aura ainsi aucune remarque du contrôleur technique. Le dessous de coque est rouillé bien sûr mais en surface et sans aucune perforation ou faiblesse structurelle. Un coup de brosse métallique et la peinture d'usine réapparait : une auto très saine dans sa totalité, une chance pour ce collectionneur. Le brossage intégral interviendra lorsque les conditions seront réunies : disposer d'une fosse.
A droite
A gauche
Redressage de la jupe arrière
Redressage de la feuillure de coque sous capot puis peinture. On se demande bien comment ou pourquoi cette partie a pu être endommagée...
La plaque de direction et Stop ayant accompagné le choc de l'aile arrière est bien mal en point. Introuvable (sauf pièce refabriquée au club Panhard), il est décidé de la sauver. C'est de l'aluminium, il faut donc la redresser avec le moins de manipulation possible, ce métal finissant par se fendre. Le résultat est réjouissant.
Suite à Guy Loos, premier initiateur de la refabrication des petits catadioptres de couleurs, le club des Doyennes fournit désormais ces pièces. EN ne résiste pas à nous envoyer deux photos avant-après assez parlantes. Précision de moi : bien avant l'obligation de 1954, Panhard monte en série ces clignotants en ampoule à lumière fixe derrière des catadioptres blanc laiteux. Raisonnablement EN a choisi la couleur orange plus conforme à l'usage actuel, seule concession à notre temporalité.
Cette plaque est fixée d'origine par des boulons qui reprennent la forme blasonnée des poignées de portes. Quelques uns manquent, EN les refait à l'étau.
Il faut aussi légèrement redresser un embouti sur l'aile :
Ce n'est jamais fini. L'enjoliveur arrière gauche ayant lui aussi bien souffert, il est temps de lui redonner meilleure allure.
C'est mieux mais encore pas parfait :
Toujours pas fini... cette fois on passe au parechoc avant qui a une déformation générale et deux petits enfoncements. Impossible d'utiliser un marteau au risque de rayer et d'ôter le chrome (ou ce qu'il en reste à ces endroits). Pas d'autre moyen que d'utiliser la méthode de torsion pour redresser. On essaie de fixer la lourde et solide lame dans un étau enveloppée de chiffon et on compresse. Résultat tout-à-fait acceptable, jugez plutôt.
Chapitre XI : un miracle
Côté droit, le tableau de bord comportait la trace d'un objet fixé avec 4 oreillettes en losange. Quelque chose était fixé là, vraisemblablement une plaque ou un accessoire, en tout cas un élément suffisamment beau, précieux ou personnel pour qu'il soit emporté par la vague des propriétaires successifs. Comme côté gauche quatre autres trous en rectangle sont visibles, ce ne pouvait pas être une plaque d'identité. Il fallait combler ce vide. M Namik s'est orienté vers un badge Saint Christophe ou d'assurance accidents. Il en réalise un gabarit en tôle pour en avoir les dimensions. Après moult recherches, il fait la connaissance de la page facebook "Prestige Badge Car" qui l'informe que ce ne peut être qu'un Saint Christophe, rare à trouver ou alors à prix prohibitif. Dommage. Les mois passent puis trois ans. Le 22/10/22, lors d'une bourse d'échanges, EN, avec en poche ledit gabarit, farfouille sans grand espoir au gré des stands. Son cœur s'arrête : miracle. Sur un petit stand, caché dans une vitrine, bien sale, il est là à prix modique, signé A. Steiner. Après une bonne heure de nettoyage à la loupe, au savon, à la laine d'acier, au Miror, ce badge retrouve une fonction plus légitime. L'objet est un peu kitsch mais restaurer n'est pas obéir à son goût !
Chapitre XII : re-créations inédites
Autour du véhicule collectionné, se greffent différentes problématiques liées à la conservation du patrimoine, la restauration bien sûr, parfois la re-création, initiant de nombreuses passerelles vers les arts plastiques.
La Panhard Dynamic, alliance de tradition et de modernité comporte différents éléments (planche de bord, bandeaux de portes) non pas en bois mais en métal peint en trompe l'œil qui reprend l'aspect du bois. La raison en est évidemment l'économie : emboutir une tôle, la peindre coûte moins cher et exige moins de temps que stocker du bois, le sécher, le découper, le poncer longuement, le vernir.
Reproduire le faux-bois des Dynamic n'avait jamais été tenté depuis 1936 et M. NAMIK a décidé dès 2020 de tenter l'aventure. Il a pris contact avec diverses écoles d'art mais au bout de deux ans, c'est l'Ecole Blot de Reims qui a répondu favorablement le guidant vers l'un de ses éminents professeurs et artiste-restaurateur, M. Hugues LOSFELD.
Au milieu de nombreux chantiers de restauration dans toute la France, attaché aux techniques d'antan, M. LOSFELD a bien voulu se pencher sur la passion des panhardistes, domaine qu'il ne connaissait pas, pour répondre à la demande : reproduire le plus fidèlement possible le savoir-faire des usines Panhard, choisir les teintes, apposer un vernis sur métal. Lancée courant 2022, l'opération s'est achevée le 17 février 2023 par la remise d'un bandeau peint à moitié. Le résultat est tout simplement bluffant et un tel talent donne de l'espoir.
Pour l'anecdote, M NAMIK a informé M. LOSFELD que l'Etat avait fait l'acquisition d'un rare coupé Dynamic restauré en totalité sur appels d'offres et que son faux-bois nécessitait une reconstitution. D'autres marques telle que, par exemple, Facel Vega ont adopté des tableaux de bord en faux-bois que de nombreux garages reproduisent plus qu'approximativement…
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Pour mettre sa Dynamic en valeur, EN a imaginé reconstituer un panneau de présentation d'époque. Il a photocopié agrandie la publicité d'époque du lancement de la voiture. Son père s'est occupé de la partie bois, reproduisant les lettres de l'enseigne Panhard et assemblant le présentoir. Ne restait plus qu'à peindre le plus finement possible et à coller. Sympa, non ? Voilà qui clôt agréablement cet article : soyez créatifs !
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Récapitulatif des travaux effectués depuis janvier 2020 :
Remplacement des pneumatiques (par un professionnel)
Démontage et remontage des roues avec nettoyage des pièces
Remise en état de l'allumage (distributeur, rupteur, bougies, câbles, bobine)
Remise en état du circuit d'essence (pompe, exhausteur, durites)
Remise en état de la pompe à eau (corrosion + durites)
Démontage et nettoyage carters moteur
Nettoyage des extérieurs du bloc moteur boite et train avant (terre)
Déblocage d'une roue, réfection des cylindres de freins arrières (coupelles neuves)
Changement d'un flexible, confection du tuyau cuivre avant gauche
Déblocage du mécanisme de parebrise
Débosselage carrosserie (ailes, joues d'ailes, soubassements de coque)
Redressage du parechoc arrière
Retouches peinture carrosserie (suppression de la rouille / protection provisoire)
Démontage de l'intégralité des boulons et vis carrosserie
Nettoyage intérieur sellerie, entretien du linoléum
Nettoyage extérieur (polish peinture, aluminium)
Remise en ordre du circuit électrique (plafonniers custode, feux Stop, clignotants, veilleuses, lampes de bord, etc.)
Installation d'un commodo provisoire
Réfection des masses, réglage des phares
Création d'une clef de verrouillage
Reste à faire :
Terminer la réfection de certains éléments électriques
Protéger les soubassements
Cordialement
Notes :
M. NAMIK tient à remercier chaleureusement les personnes qui l'ont aidé sans lesquelles ce projet n'aurait jamais vu le jour.
Gérard N. du club des Doyennes Panhard : pour ses conseils en mécanique et refabrications des magnifiques pièces du club, très engagé dans la sauvegarde du patrimoine.
Patrice C. : pour ses conseils précieux sur le démontage de la mécanique.
Jacques S. : pour ses astuces précieuses
Pascal K. : pour ses explications de fonctionnement ou de finition, mécanisme de portières, accessoires et même envoi de pièces manquantes.
Johan V. : pour ses refabrications de pièces et visite de sa collection
Musée d'Automobiles Reims Champagne : pour son accessibilité de par sa sensibilité à la démarche de préservation du patrimoine
Félix R. : pour son diagnostic du circuit électrique et conseils pratiques
Marc L. : pour ses prêts réguliers et généreux de matériaux et matériels
Jean-Louis G. : pour ses explications didactiques sur l'allumage Traction
Philippe P. : pour la réfection de la serrure de la housse de roue de secours et explications
Alain B. : pour son aide à remettre le lourd carter du moteur
M Moreau miroitier : pour la glace de rétroviseur faite en une semaine alors qu'un autre artisan a fait patienter 7 mois.
Alain et †Jean Marie P. : pour leurs minutieuses soudures à l'étain.
Daniel M. : pour son expertise des tissus et de leur entretien
et par dessus tout : mention personnelle pour un père aimant et enthousiaste entouré de boîtes à trésors.
(1) : si vous restaurez un tel véhicule, les références de ces pièces modernes peuvent être demandées
(2) : en égyptien le verbe kheper signifie "venir à l'existence, devenir". Quoi de mieux qu'un verbe pour nommer un objet d'art autonome noir métallescent ?
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