Le blog de Jérome COLLIGNON

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Spécial : Delage DI 12 à coque Citroën 1936

 

Contexte historique :

Comme André Citroën trois mois plus tôt, le 10 avril 1935 Louis Delage est contraint de renoncer à son entreprise, en passe d'être reprise par Delahaye. Au salon d'octobre 1935, Delage présente néanmoins une nouvelle 4 cylindres appelée DI 12 remplaçant la précédente D4 et incorporant le maximum de pièces de Delahaye 134 dont le moteur et diverses pièces mécaniques, carrossée tôle sur bois par Autobineau.

 

 

Delage DI 12 1935 carrosserie Autobineau. A droite, photo de 1936 (droits : D. Cabart)

 

Pour des questions de prix de revient la grande firme française décide courant 1936 de faire l’acquisition de coques Citroën qu’elle greffera sur ses châssis DI 12, modèles présentés au salon d'octobre 1936. Nous savons grâce aux hors-séries de René Bellu consacrés aux salons de l’Automobile que l’on peut encadrer la production de cette Delage-Citroën entre octobre 1936 et septembre 1937.

 

 

Grâce à la générosité de Daniel Cabart, auteur spécialiste Delage, deux photos d'époque de la 101 RK2 . Notez les entourages de fenêtre soulignés par un liseré blanc ou un jonc alu. La voiture est une coque Citroën d'avant mai 1936 à deux volets d'évent et à malle plate Citroën. A l'arrière, le cerclage du cache roue est maintenu par un double ressort. (droits photos : D Cabart).

 

Le nombre d’exemplaires produit est inconnu. Par le biais de ce blog, j’ai été contacté par Arnaud Deramecourt, collectionneur émérite, qui détient cette pièce rare et qui sollicite tous avis et informations sur ses caractéristiques (me contacter via mon mail Rubrique Présentation). Bien sûr, ce n’est pas une Citroën mais il m’a semblé intéressant de faire connaitre ce modèle aux passionnés. Les photos ci-après appartiennent au propriétaire qui a dû se contorsionner pour vous les présenter. En effet la voiture en cours de restauration est soigneusement remisée.

 

Etat avant restauration. L'entreprise n'en est que plus estimable.

 

 

La carrosserie et sa fixation :

La caisse provient d'une monocoque de Citroën 11AL 1936 ou 11BL 1937 à malle ouvrante sérieusement retravaillée par Delage. La plateforme Traction sur laquelle sont habituellement soudées la partie intérieure des jambonneaux et les broches est absente ici, remplacée par le châssis et la plateforme Delage. Pour ce faire, les seuils de portes originaux sont épaissis par l'adjonction d'une tôle rapportée soudée sur laquelle sera boulonné le châssis. Les jambonneaux ont été sciés au niveau de l'auvent. Les ailes avant sont solidaires d'une tôle verticale permettant de masquer la jonction disgracieuse et de fixer le bout de l'aile sur le châssis.

 

     

La coque démontée et son châssis séparé. La voiture en cours de restauration. A droite, le jambonneau côté droit se prolonge jusqu'aux ailes mais il s'agit seulement d'un coffrage externe.

 

A l'avant la coque est découpée au ras du tablier d'évent mais conserve son unique volet et son cloisonnement, montage Citroën apparu après mai 1936. La caisse se voit prolongée par un tablier vertical surmonté d'un embouti artisanal spécifique recouvrant centralement et latéralement la jonction coque-châssis et servant à fixer la partie arrière du capot, emboutis qui n'existent pas sur les coques Citroën. La tresse de capot masque la fixation par simples vis de cet embouti sur le rebord de tôle soudé tout autour de l'auvent.

 

   

Quelques vues de l'embouti spécifique artisanal à la finition quelque peu légère pour une si grande marque. Notez la direction à droite à vis et écrou et le système ressort de tringle de carburateur de type Delahaye. Le compartiment est identique aux autres DI 12 à caisse Delage.

 

Dans l'habitacle le plancher Delage est raccordé à la coque Citroën. Les portières sont identiques à la série Traction.

 

 

A droite, on peut supposer qu'il manque le petit clip qui masque la jointure du parebrise.

 

A l'arrière, Delage évide plus largement l'ouverture de la malle Citroën pour y adjoindre un coffre proéminent de son cru incorporant la roue de secours ce qui augmente la capacité.

 

 

 

 

Mécanique et trains roulants :

Le train avant est à roues indépendantes avec ressort à lames transversal. L'amortissement est confié aux amortisseurs hydrauliques Houdaille.

 

 

La mécanique est conforme aux autres Delage DI 12.

 

 

A droite, extrait du Hors Série Bellu Salon 1935 année 1936 : la mécanique des 1ères Delage DI 12 à caisse Autobineau.

 

 

Intérieur et tableau de bord :

La sellerie est plus luxueuse que celle de la Citroën puisqu'en cuir rouge et moquette en laine bordeaux, un rouge assez flashy comme la teinte des jantes mais il s'agit de la teinte d'origine. La grille de calandre, propre aux Delage reprend cette combinaison noir / rouge.

 

     

 

Le tableau de bord est de l'ancien type Citroën. Il a été livré après montage de la boîte à gant grand modèle spécifique aux Citroën produites avant mai 1936 mais avant emboutissage du cadran rectangulaire et des passages de comodo et de grille de vitesses. Nous avons ajouté une photo d'un tableau de bord de 1934 pour comparaison. Par contre chez Delage, il est évidé pour le cadran rond Jaeger et pour laisser passer la colonne de direction. L'équipement comprend un comodo à palettes du type Delahaye 134/135.

 

 

Détails décoratifs :

Les baguettes décoratives de portes semblent avoir été ajoutées postérieurement à la guerre suivant en cela la série Citroën, les photos d'archives Delage ne comportant pas ce détail et les berlines Autobineau en étant dépourvues. De même des feux latéraux ont été ajoutés pour suivre la nouvelle réglementation des années 50. La voiture est en fait dotée de flèches de direction. Un feu stop récent a été ajouté à l'arrière droit. Son absence à l'époque nous fait pencher pour une voiture sortie plutôt après le milieu 1937.

 

    

 

 

Caractéristiques techniques :

Le numéro de série de cette voiture est le 50239 (voir ci-dessous). En posant l'hypothèse d'un début de numérotation à 50.000, cet exemplaire est donc le 239ème. La production n'a pas dû dépasser 500 voitures. Trois carrosseries sont disponibles sur base Citroën : berline, roadster et coupé.

 

 

Berline dite Exportation

Moteur 12CV 4 cylindres

Soupapes en tête

2150cm3 (80x107mm)

45ch à 3500 tr/min

Propulsion par les roues AR

Boîte 4 vitesses (Cotal en option)

Freins mécaniques

Direction à vis et écrou, volant à droite

Suspension AV à roues indépendantes avec ressort à lames transversal

Essieu AR rigide avec ressorts à lames longitudinaux

Pneus : 5.50x17

Empattement : 2m95

Voie 1m46

Poids : 1280 kg

Vitesse 110km/h

Prix : 38900 F

Roadster spider garni : 43500 F

Coupé avec spider garni : 42900 F

 

Roadster Delage DI 12 sur base Citroën, notez la largeur des marche-pieds et le capot spécial à trois volets (photo extraite du Hors-Série Bellu).

 

Ces données montrent un moteur Delage plus puissant que celui de la Traction (11CV pour 1911cm3). L'ouvrage "Delage, une belle voiture française" de MM Yvelin, Rousseau et Charbonneaux donne plutôt 52ch au banc. Malgré un poids supérieur (le châssis pèse à lui seul 810 kg), la motorisation et la boîte 4 vitesses devraient lui conférer un comportement plus vif que la Traction.

 

Cette parenté et le prix double donc un mauvais positionnement commercial expliquent sans doute son insuccès et sa disparition du catalogue Delage l'année suivante. Mais voici qu'intervient Daniel Cabart, auteur spécialisé sur la firme Delage, qui me contacte et m'envoie en plus des deux photos en entête de cet article un document intéressant qui complète mon analyse.

 

Il s'agit d'un courrier d'une concession Delahaye-Delage de février 1950 qui précise :

 

" (…) les cabriolets Delage équipées avec des caisses Citroën n’ont pas eu beaucoup de succès dans la clientèle de Delage (…). En effet pour ajuster sur le châssis la carrosserie coque de Citroën, on a dû en partie l’affaiblir en la coupant, ce qui fait que les portes ferment mal et que la carrosserie en général faisait au bout de peu de temps un bruit épouvantable."

 

Autres temps, autres moeurs...

 

D'après le Club Delage, la berline présentée dans cette page est la seule connue en état. Elle n'avait jamais été décrite. On répertorie un roadster sur base Citroën restauré en bleu marine. Fouillons à présent du côté des photos anciennes. Dans son ouvrage "Toutes les Citroën" Ed. JP Delville, René Bellu présente une autre berline retrouvée chez un collectionneur toulousain (page 253) et Olivier de Serres dans son Grand Livre une berline en état d'épave et un roadster blanc ou beige. De son coté Fabien Sabatès présente un roadster bleu vif dans son ouvrage "22 Vlà les Traction" page 128, ce qui nous ferait - à moins de doublons - quatre survivantes de plus. Que sont-elles devenues ? N'hésitez pas à nous contacter si vous en savez plus !

 

Ajout du 24/10/13 : grâce à M. Philippe Rossbach qui me les envoie, voici deux photos d'une survivante dans les années 80. Merci !

 

IMGtraction 20iem neige et glace_20130928_0007.jpg  IMGtraction 20iem neige et glace_20130928_0008.jpg
Une ligne agréable mais a t-elle finalement été restaurée ?

 

Tout comme les "La Licorne", bien qu'étant d'une marque différente, cette Delage surprenante et rare mérite de figurer dans nos manifestations. Nous sommes heureux de lui rendre hommage, ainsi qu'au choix éclairé de son propriétaire. Je remercie ce dernier et Daniel Cabart pour leur aide précieuse à la rédaction de cet article.

 



20/10/2012
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