Identifier un roadster Traction
Suite de l’article "Identifier une Traction"
A noter qu'il vaut mieux faire une recherche d'authenticité avant l'achat. Après, il est trop tard...
II) Identifier un roadster :
Evacuons d'emblée les questions qui fâchent (ou pas) :
- Je ne suis pas expert en automobiles. Simple passionné, j'étudie leur architecture. Elles sont pour moi un objet d'étude.
- Même s'il m'arrive de commenter les ventes aux enchères pour me distraire, ne me sollicitez pas pour expertiser une voiture, je m'y refuserai toujours.
- Cet article délivre la somme de mes connaissances (évolutives) : au moment où vous le lisez, je n'en sais pas plus et ce n'est pas grave*.
- Je ne fournirai aucune cote, ne souhaitant pas les connaître.
- J'aime l’histoire, le patrimoine, je suis pour la refabrication d’un roadster à partir d’éléments d'origines, muni de sa carte grise avec mention "cabriolet". Je n'ai pas envie d'encourager la détention d'une copie sans âme avec carte grise de berline qui ne devrait pas rouler sur routes publiques (voir ici), entretient la confusion et dont il faudrait attribuer une valeur moindre.
- Au nom du plaisir, on trouvera toujours un amateur prêt à se faire construire un cabriolet à partir d'une berline sans carte grise, à acheter une carte grise à part et à désirer que tout soit authentique : ce n'est pas à moi de m'y opposer*.
- Certains propriétaires de copies annoncent clairement qu'il s'agit d'un "replica". Félicitons-les... car d'autres, espérant faire un bénéfice à la revente, sont plus ambigus.
- N'appréciant pas ces carrosseries dont on a supprimé le travail d'emboutissage et d'assemblage de galbes de la berline ou du coupé (étrange qu'une toile cousue cote plus cher que de l'acier embouti...), je préserve mon objectivité.
- Les photos sont issues de voitures que vous reconnaitrez peut-être (+ quelques photos de coupé). Lorsque j'en expose un détail, ne m'accusez pas de critiquer une entièreté. J'use du droit de citation : un détail ne préjuge en rien d'un état général, bien ou mal refait à 10%, 50%, 75%, 100%.
- Restaurés ou d'origine, les détails conformes sont en vert et les non conformes en rouge.
Mon Graal à moi, cette réalisation avec galbes : le coach 11 PVU 1934 (petite voiture utilitaire) jamais sorti en série.
Empattement raccourci, portières de faux cabriolet, arrière de berline avec hayon ou porte ouvrante, sellerie en simili cuir noir.
Vitesse maximale : 125km/h. Cette Citroën 11AU préfigure ce que sera la 11 Commerciale 1938.
Pourquoi cet article ?
- A la demande de la FFVE, je suis intervenu le 15 février 2003 lors de sa réunion plénière à Rétromobile sur le thème "Comment reconnaître l'authenticité des roadsters Traction".
- J'ai synthétisé le contenu des discussions que j'ai eu avec Eric Pilon qui recensait ces carrosseries sur son site internet aujourd'hui disparu.
- Constatant le nombre de copies en circulation, bousculant les frilosités, j'ai décortiqué ces voitures dans un article paru en 2004 sur mon site "tractionavant1934.com" créé avec Guy LOOS : c'est la première fois depuis 1934 que ce sujet était abordé sous l'angle industriel. Ai-je été à l'origine de l'ouvrage d'Olivier de Serres "Traction coupé cabriolet découvrable" paru en 2010 chez ETAI ? Je l'ai pensé.
- le site "tractionavant1934.com" n'étant plus accessible depuis novembre 2017, j'ai rapatrié ici mon article en le complétant.
Cet article a pour seul but de vous permettre de faire la différence entre authentique et copie.
I) Notions de conformités :
Conformité au millésime
Suite à leur abandon, aucun roadster (ni coupé) n'a été produit après 1942. La voiture doit donc correspondre aux millésimes et montages d'avant 1942. Un seul roadster, le roadster 15/6 ivoire, a semble t-il été complété sur chaînes en 1946.
Pour plus de détails, rendez-vous dans "Le Guide Traction" 2011 paru chez ETAI, ouvrage complété par cet article (cliquez).
Aucun doute ce tableau de bord est d'après guerre...
Pour les teintes de carrosserie, c'est ici (cliquez).
Le positionnement des goulottes de réservoir d'essence :
Jusqu'à l'automne 1935 : deux goulottes basses avec plaque d'immatriculation centrale (deux volets d'évents devant le parebrise, renfort doublé et direction à boitier).
D'octobre 1935 à mai 1936 : une seule goulotte plus haute et oblique avec plaque d'immatriculation fixée sur l'aile arrière gauche.
Après mai 1936 : nouvelle coque avec un seul volet d'évent sans renfort doublé et direction à crémaillère.
Deux beaux modèles
Conformité aux caractéristiques des roadsters.
Tous les roadsters comportent deux banquettes : une à l'avant et une à l'arrière (si le spider est garni). Jamais de sièges séparés. Le garnissage est en simili ou en cuir : évidemment jamais de tissu à cause de l'exposition aux intempéries. La banquette avant est capitonnée (reliefs) mais la banquette de spider est toujours lisse.
Précisons que les faux-cabriolets étant des carrosseries fermées sont toujours en sellerie tissu (laine ou velours) et jamais en cuir.
Les boiseries de dessus de portes en deux parties sont vissées et toujours peintes de la teinte de la sellerie pour harmoniser l'ensemble.
Période 1934 jusqu'à l'été 1935 :
Tout l'intérieur est harmonisé : sellerie, tableau de bord, dessus de portières, tablette de pare-brise.
Photo du roadster 22 au salon 1934 : intérieur ivoire et carrosserie rouge
Période post 1935 :
Le tableau de bord et la tablette de pare brise sont de la couleur de la caisse, le reste est de la teinte de la sellerie :
Roadster 11BL 1937. Le volant est un accessoire (photo Artcurial).
Ci-dessous photos d'erreurs de restauration. Attention une voiture récupérée dans les années 70 peut avoir subi un début de modification.
Du plus éloigné de l'origine au plus conforme. Où l'on voit qu'une voiture d'origine peut avoir été modifiée (photo 3).
Les premiers roadsters peuvent avoir le spider :
- non garni donc en usage coffre, la porte de spider comporte une poignée d'ouverture extérieure et une articulation abaissée.
- garni d'une banquette permettant deux places assises, la porte de spider étant sans poignée, une tirette permet l'ouverture de l'intérieur (premiers modèles) avec une articulation modifiée du fait du poids en bascule.
Montage d'origine spider non garni
Détail de la charnière de porte de spider
A gauche période 1934-35, à droite post 1936
.
Le parebrise est toujours rabattable. De fait le moteur d'essuie glace est toujours électrique. Ne vous fiez pas au vendeur qui affirme que le parebrise est fixe d'époque. Il a pu être soudé à une date antérieure (années 50 par exemple) et devra être restauré. Sa forme est à coins carrés, la glace de parebrise est donc spécifique aux roadsters. L'entourage de parebrise comporte un système de verrouillage de capote par de petites poignées. (voir page 136 du Guide)
La capote et ses arceaux doivent se replier entièrement dans le bac aménagé à cet effet et ne pas dépasser.
La poignée de portière extérieure est montée sous la ligne de caisse (au-dessus de la ligne sur la berline).
Les alcôves de butoirs de porte sont modifiées, celle supérieure ne pouvant plus prendre appui au-dessus de la ligne de caisse (montant rabattable à cet endroit) :
Les charnières de portes évoluent en fonction du millésime : olive puis cylindrique.
Période 34-35 : en forme d'olive. Période post 1936 : cylindrique.
Roadster 15/6 :
Ces roadsters comportent une flamme décorative longue qui se prolonge derrière la portière sur les flancs.
Rien de tel sur le roadster 22 (par contre ces flammes sont visibles sur les berlines et 6 glaces 22CV)
Dans le cas du spider garni d'une banquette, le roadster comporte deux marche pieds ronds sur le côté droit (et rien sur le côté gauche) permettant d'accéder au spider : l'une posée sur la ferrure de pare-choc, l'autre sur le sommet de l'aile arrière droite.
Dans le cas du spider non garni : pas de marchepied. On trouve des roadsters en configuration coffre mais dont par ignorance on a rajouté ces marchepieds...
Que du beau
Enfin les roadsters peuvent bénéficier de finition Concours d'élégance agréable à l'oeil et usant de filets sur les cache-moyeux (et cache roue de secours) ou de cerclage Jantex.
Filets ou Jantex : que du beau.
Conformité de la carrosserie :
Entrons dans les petits détails. Certains sont faciles à observer sans démontage :
Le seuil de porte est plus épais que sur la berline. Voir ci-après l'explication de cette particularité lié à un différence de structure interne.
A droite, soubassement mince de berline pour comparer
Les galbes arrières sont légèrement creusés sur les flancs juste derrière la portière :
La ligne de caisse s'arrête un peu à l'arrière du sommet de l'aile arrière :
Conformité de la structure interne
Détails nécessitant un démontage...
Le passage de roue arrière comporte une soudure verticale qui délimite l'assemblage du caisson arrière.
Attention : reconstruction d'un vrai ou copie, certains petits malins vont jusqu'à faire reproduire cette soudure si caractéristique.
Cette soudure est parfois masquée par des renforts ou des restaurations.
Le passage de roues ne comporte pas les deux emboutis en V de la berline, voir photo ci-dessous.
1a) En interne, les flancs et le passage de roue arrière comportent des renforts alvéolés dont l'emboutissage a évolué avec le temps.
Période 1934-1935
Les renforts sont continus et souvent soudés points par points à la main
De gauche à droite : 7A, 7S, 11AL et un coupé (photo du regretté Jeroen Cats)
Le plancher comporte devant les places assises un embouti en croix
Période 1936-1942
Les renforts se répartissent différemment et ne font plus le tour du passage de roue arrière.
7 et 11 Légère / photo 4 : faux-cabriolet
11 Normale : un renfort alvéolé en plus en raison de l'empattement plus long (ne pas tenir compte de la ferraille soudée à droite)
A l'avant une plaque sous la planche de bord de part et d'autre avec une alvéole (flèche verte) :
1b) En externe, la coque comporte un renfort supplémentaire dans sa poutre basse qui s'intercale entre la tôle d'habillage et la tôle interne constituant un ensemble de 3 feuillures. Ce renfort commence devant le passage de roue arrière, court le long de la coque et remonte latéralement jusqu'à la ligne de caisse (partie entre l'avant de la portière et l'arrière du capot). Cette pièce essentielle participe à la résistance de torsion et compense l'absence de toit.
Feuillure externe et centrale découpées pour réfection. A droite la coque refermée.
2) Le roadster 15/6 :
Ces informations inédites sont postées pour la première fois. La coque du roadster 15 est spéciale. Elle comporte des renforts latéraux à la feuillure quadruplée : l'habillage extérieur arrondi de coque, le doublage de renfort des 7 et 11, la tôle interne et en plus une bande alvéolée rajoutée le long du plancher qui court de sous le tableau de bord jusqu'au passage de roue arrière. Visible ci-dessous, une tôle plate supplémentaire est soudée entre l'arrière de la portière et le passage de roue mais son caractère artisanal aurait mérité un contrôle visuel avant que je puisse vous affirmer si elle est d'origine (flèche orange).
Inédit : les renforts internes du roadster 15/6
Les portes possèdent leur structure propre :
Portières 7, 11L, 11, 15
Les porte roue de secours sont également différents en fonction du millésime :
(dates à repréciser). Le cache-roue de droite est celui d'une berline
II) Les copies de roadsters :
Certaines officines depuis les années 80 proposent des roadsters neufs à partir de berlines découpées. Voici quelques exemples :
Reconstruction à neuf en tôle par les anciens Ets Mersch : notez la différence de traitement des renforts et assemblages
Bien que reconnaissables (alvéoles rondes et non carrées), certaines réalisations neuves sont plus soignées.
Photos 2 et 3 : faux cabriolet (coupé) vu à Epoqu'auto Lyon /
Photo 4 : jusqu'où peut-on aller pour ressusciter une auto...
Emboutissage d'une portière de roadster au poinçon et à la masse
Tôles de gabarits permettant de définir les formes d'un roadster
Autres réalisations : celles de JF Cassoulet qui adapte un kit résine, ne brillent pas par leur conformité avec la série. Il est aisé de les reconnaître. La ligne de caisse est plus haute par rapport au sommet de l'aile, se prolonge plus loin, l'angle entre la tôle de spider et les flancs délimité par la ligne de caisse est plus "carré". Enfin la porte de spider est plus plate.
Structure interne de ces autos et portes en résine :
Quid de la résistance ? Je vous laisse commenter l'association heureuse sur la photo de droite
Autres réalisations :
fabrication espagnole de 1952, où l'on voit que la ligne de caisse arrière ne correspond pas à la série (trop basse et trop marquée)
fabrication artisanale à la ligne de caisse ratée à partir d'une coque de berline (peinte en blanc pour que cela soit bien visible).
Refabrication révélée par le positionnement de la poignée de porte
Certaines réalisations s'éloignent terriblement du sujet.
Le roadster d'Indiana Jones "La Dernière Croisade" 1989 comporte un parebrise de berline (à coins arrondis)
Tous mes remerciements à mes amis Jean-Michel Matras, Gérard Van Goolen et Eric Pilon pour la rédaction (ancienne) de cet article.
*Mais cet article le fait. Je suis preneur de toutes photos, détails, notamment de structures internes (d'origine ou récentes, bien ou mal refaites) permettant de l'étayer, merci ! A suivre (peut-être)...
© 2018 Jérome COLLIGNON
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