Le blog de Jérome COLLIGNON

Le blog de Jérome COLLIGNON

Plaidoyer pour l'Origine II

...Suite de l’article Plaidoyer pour l’Origine

 

Je modernise car ils le faisaient à l'époque déplorant le manque de fiabilité des autos

"Vous devriez vous intéresser plus aux hommes qui ont connu ces autos qu'aux autos elles-mêmes. Vos textes font rire mon vieux mécano qui a adapté un certain nombre de voitures à cette époque" me rapporte t-on. La découverte de nombreuses autos restées globalement d'origine sans option (parfois ont été ajoutés une housse de sellerie, des phares antibrouillards, une prise pour dégivrage, une commande d'avance ou d'accélérateur à main) dément ce témoignage local éloigné d'une plus vaste réalité. 95% des Tractions sont parvenues jusqu'à nous avec un kilométrage prouvant non seulement leur usage complet mais également une volonté de préservation (voire de transmission). Il en va d'aujourd'hui comme d'hier : les finances du ménage permettaient un achat, pas son enjolivement. Des améliorations ont existé mais elles restent marginales et plutôt à partir du moment où l'on a collectionné les anciennes pour agrémenter nos loisirs (années 80).

 

Paris1950Paris 1950, temps maussade, chaussée glissante, véhicules en 6V : mais comment faisaient-ils que nous ne pouvons plus faire ?

 

Je modernise car une voiture ancienne doit être de son (notre) temps :

C'est l'affirmation la plus étonnante que j'ai recueillie. Pourquoi alors s'intéresser à une ancienne si c'est pour la moderniser, elle qui sera toujours moins performante, moins confortable, moins silencieuse, moins économique qu'un véhicule moderne ? Se faire autant de mal s'appelle du masochisme. Si notre passion consiste à moderniser des choses anciennes alors ne nous déclarons pas passionnés par ces choses mais seulement du progrès : par l'électronique ou l'assistance électrique. Qui n'est pas de son temps : la Traction ou plutôt son propriétaire ?

 

La promotion de l'origine est un intégrisme :

L'origine n'échappe pas à la caricature, devenant sur les forums (quoique de moins en moins) "orichineu" avec prononciation teutonne pour bien marquer le rejet sur un mode douteux de ce qui est vécu ou supposé comme une doctrine voire une dictature, en tout cas une oppression.

 

Déclarer que les Tractions ne sont plus capables de prendre la route sans optimisation est un autre intégrisme... basé sur deux contre-vérités : hier 760.000 véhicules vendus "d'origine" et aujourd'hui de nombreuses voitures d'origine qui roulent encore. Modifier est donc un choix, l'expression d'un goût mais certainement pas une vérité historique ou technique. Comment appelle t-on un message fondé sur la croyance d'une fausseté ? Optimiser n'est pas la réponse à la crainte de ne plus les voir rouler. Souvent la dénonciation de cet intégrisme en forme d'autoportrait cache des visées mercantiles. Ou comment prôner une solution miracle pour mieux vendre un montage miraculeux qui supprime l'entretien ou l'usure...

 

Il n'y a pas de honte à avouer sa faiblesse : qu'on ne sait plus réparer ou entretenir ces voiture si simples.

 

Paris1949Paris 1949 : embouteillages. Comment arrivaient-ils à utiliser de telles autos ce que nous n'arrivons plus à faire sans modifier ?

 

Rumeurs / goûts / créativité / identité :

Le refus de l'origine est alimenté par des rumeurs entretenues par « ceux qui savent ». Si la boîte de vitesses  explose, le tractionniste ne dira jamais : "elle a été mal réglée, est usée ou mal entretenue". Ce n'est jamais de sa faute. Il dira : "tout le monde le sait, les boîtes 3 sont une saleté, c’est la faute du Constructeur, on m'a parlé d'une adaptation de boîte 4 plus solide". Répétons que le banc d'essai a duré 23 ans. Voilà qui devrait faire réfléchir sur "l'incompétence" des ingénieurs Citroën.

 

Les clients étaient-ils stupides au point d'acheter une Traction neuve ne délivrant pas un service optimal ? Qu'on songe au Gang des Traction Avant à la fin des années 50 : comment parvenaient-ils à échapper à la police ? Les voitures freinaient-elles mieux ou étaient-elles plus rapides qu'aujourd'hui ? Bien sûr que non. Le stress, l'impatience, le manque de confiance dans sa monture, le refus de responsabilité de son état, une passion irrationnelle et surtout la méconnaissance de la voiture au moment de l'achat, telles sont les sources de choix qui éloignent de l'origine. Sans oublier l'habitude de rouler dans des engins aseptisés qui répondent au doigt et à l'oeil... la Traction se montrant plus rétive. Comment rassurer le tractionniste ?

 

Il est facile de comprendre que modifier une chose, c’est lui donner une autre identité. Sur la carte grise de l'ex. Traction 4X4 de M. Chauvet, il est écrit : Toyota. Ce n'est plus une Traction Citroën. Plus Monsieur Dupont modifie sa Traction, plus elle devient une "Dupont". Je comprends que toute critique blesse le propriétaire. Hélas, aimer et modifier sont antinomiques. Pourquoi modifier ce qu’on aime vraiment ? Lorsque j'aime, j'accepte qualités et défauts. Si la Traction n'est pas assez performante, pas assez fiable ou pas assez belle, pourquoi la choisir ? Au fond, tous nos petits conflits prennent leur source dans cette opposition entre opinion-goût et réalité. Un ressenti n'est pas une réalité.

 

S'il existe un domaine intouchable, c'est bien celui du goût. On invente une notion d’origine floue, fluctuante que l'on drape d'une vérité technique pour justifier ses choix. Au lieu de l'argument "d'impérieuse nécessité de modifier", je préfèrerais entendre "j'ai choisi cette optimisation par goût, parce que je n’y connais rien, que je ne veux pas m’embêter avec des pièces d’époque, que je me fiche de l’origine", etc. Voilà qui serait plus acceptable.

 

Recréer la Traction ? La peindre en rouge, la garnir de moquette du sol au plafond ou chromer l’intégralité de sa mécanique, est-ce de la création ? Bien sûr que non : c'est de la décoration. La vraie création serait d’inventer un véhicule nouveau.

 

Pourquoi modifier une Traction ? La rançon de la gloire :

Le tractionniste choisit une voiture ancienne mais veut à toutes fins… la débarrasser de ses composants anciens. Il sait que cette voiture s'entretient mais veut qu'elle fonctionne sans ouvrir le capot. Etrange. Au fond, la Traction souffre de trois maux.

 

En premier, elle est belle.

La Traction n'est pas une beauté dogmatique. Elle n'est pas un concept-car qui impose une nouveauté ou une rupture. Elle est à taille humaine (ce que n'est pas une Bugatti Royale). Cela semble justifier que le passionné ne garde que sa ligne (principe de "Tracbar") et sacrifie le reste, c'est-à-dire sa mécanique simple et peu performante (maxi 120 km/h) ou ses finitions jugées trop austères. Une fois le capot fermé, plus rien ne sera apparent. Chercherait-on à améliorer un véhicule laid ? Paradoxalement non car il repousse son appropriation. Au contraire, la Traction attire. Elle n'échappe donc pas à la mode du tuning et certaines réalisations ont marqué son Histoire ancienne (carrosseries spéciales optionnelles) et récente (ex. du roadster jaune Hi Boy). Chacun y va de sa teinte fantaisie ou de son accessoire afin de la personnaliser.

 

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Un exemple parmi tant d'autres de tuning américain : une voiture à vendre de 1947 datant en fait... de 1955.

 

En deuxième, elle est populaire.

Produite durant 23 ans, elle a marqué son temps. Fabriquée à presque 760.000 exemplaires, le nombre de survivantes approche, en comptant 5% de la production, les 35.000 exemplaires. Elle est donc plus accessible qu'une dizaine de Bugatti Royale ou que 12.920 Citroën SM. Ses pièces sont encore (pour combien de temps ?) disponibles, en stock d'origine ou en refabrication. Il est fréquent d'entendre dire "n'étant pas rare, chacun ayant la sienne, ce n'est pas grave d'en modifier quelques unes" justifiant le développement de la mode des roadsters et des découvrables découpés à la disqueuse à partir de modestes berlines. De trop modestes berlines qui auraient pu intéresser un novice voient leur valeur quadrupler par la découpe de leur toit. On la motorise avec des blocs de BX ou de XM, on la greffe sur un châssis Toyota, ce qui aurait été impossible, voire criminel, avec une Bugatti Royale ou une Ferrari 250 GTO qui, elles, voient plutôt fleurir la mode de copie ex nihilo... tout comme le roadster 15/6 ou la 22. Au milieu d'autres autos mythiques, la Traction n'a pas encore totalement atteint le rang de patrimoine industriel.

 

En troisième, elle est d'une modernité simple.

Cette caractéristique découle et lie les deux autres. Elle est suffisamment moderne pour rouler sur toutes les routes. Il lui manque peu de choses pour égaler une voiture actuelle. Les pièces sont simples, on peut se réparer sur la route, démonter le carburateur ou remplacer une courroie. C’est un gros meccano... d’où la tentation de l’optimiser, ce qui serait plus difficile avec une mécanique complexe (par ex. un moteur Sans Soupapes) ou jugée plus noble (Bugatti).

 

Pourquoi donc choisir l'origine ?

Voyons si quelques arguments jouent en faveur de l'origine.

 

1) Parce que 759.211 voitures sont sorties de chaînes, en boîte 3, circuit 6 volts,  sans ventilateur électrique, ni alternateur, ni leds, ni allumage électronique et que 30.000 d'entre elles sont parvenues jusqu'à nous avec (pour beaucoup d'entre elles) un compteur ayant dépassé les 100.000km. Soyons donc un peu sérieux dans nos jugements.

 

2) Parce qu'il n'y a pas d'autorité dans le respect de l'origine : c'est un choix neutre, non dogmatique (contrairement à ce que l'on croit). Ce choix est guidé par l'identité de la voiture, par la conformité avec le catalogue de pièces détachées, ni par l'originalité, ni par le goût personnel : c'est un choix de respect et de liberté. Là réside la différence.

 

3) Parce que la mécanique n’est rien d’autre qu’une suite de causes et d'effets : il n’existe pas de mauvais sort. 100% des pannes sont dues au conducteur. Une Traction n'est ni vivante, ni immortelle. Un mécanisme qui ne fonctionne pas est un mécanisme : qui n'a pas été compris / qui est en mauvais état / qui a été mal réparé / qui ne convient pas à la voiture (cas d'un montage anachronique).

 

Les règles d'Or du tractionniste sont : vaincre les a priori, poser le bon diagnostic, se renseigner, privilégier le travail de qualité.

 

4) Usage normal : parce que la mécanique d'origine, ça marche. Il n'y a aucune tyrannie là-dedans, juste une réalité tangible. Conduisez des voitures d'origine ou restaurées conformes. Leur douceur, leur silence sont extraordinaires. Elles démarrent à froid comme à chaud, ne tombent pas en panne, sont fiables et capables de kilomètres insoupçonnés. Qui douterait de leur capacité à délivrer le même service qu'à leur sortie d'usine ? L'optimisation n'est qu'un replâtrage évitant de résoudre un empilement de réglages défectueux.

 

5) Usage amélioré : si vous avez envie de rouler avec une boite 4, prenez une DS. Si vous voulez rouler à 200km/h, prenez une SM. Si ces Citroën ne fonctionnent pas aussi bien que vous le voulez, choisissez une Renault ou Peugeot ou Jaguar, peut-être fonctionneront-elles mieux ? Tracteriez-vous une caravane avec une Ferrari ? Non. La Traction n’est ni une routière croisant à 130km/h comme la SM, ni un 4x4 qui passe dans tous les terrains ni une auto amphibie. Elle est faite pour rouler sur de l'asphalte à 90-100km/h. Préférez pour elle des routes sûres, qui la préserve. Comme extraordinaire machine à voyager, elle vous emmènera loin.

 

6) Usage aventurier : nous vivons dans une Europe civilisée. Que peut-il arriver à un tractionniste en panne ? Etre dépouillé par des bandits ? Ramper pour éviter les bombes ? Se liquéfier dans le désert par 50°C ? Non : juste marcher quelques kilomètres pour téléphoner à un ami ou un garage. Souvenez-vous qu'après la sueur ou la pluie viendra une douche chaude. Alors si vous ne craignez pas de mourir au volant, sortez votre Traction. Partez vous-mêmes comme dans les années 30, 40 ou 50, sac à dos, tente et Opinel dans la poche. Emmenez vos pièces de rechange et acceptez de revenir aux temps anciens. Pourquoi pas jusqu'en Grèce ? Certes si vous voulez visiter Bagdad, il faudra vous organiser autrement…

 

7) Rareté : oui une Traction est moins rare qu'une Bugatti Royale. Comment un véritable passionné peut-il justifier de la considérer comme un objet à transformer et non comme un patrimoine à conserver ? Ne faisons pas de cet état d'abondance ou de popularité une malédiction conduisant à la destruction des voitures survivantes.

 

8) Pour le Code de la Route : son rôle n'est pas d'empêcher nos rêves de bricoleurs fous mais de nous protéger les uns des autres en garantissant égalité et harmonie sur la route. Malheureusement libertaire, c'est-à-dire transformer sa Traction en monstre de puissance, rime souvent avec « je dispose de la vie d’autrui ». Le Code de la Route autorise nos anciennes à rouler. Le jour où il sera contraignant, ce sera la fin de notre passion : alors respectons-le.

 

9) Pour une raison fiscale. Un site vient de redonner les caractéristiques d'un véhicule de collection : ici.

 

10) Pour l'identité : il est extrêmement curieux que se soient développées des boîtes 4 pour Traction alors qu’aucune étude récente n’a jamais été menée pour en équiper les C4 et Rosalie. Est-ce un hasard ou assimilerait-on les C4 et Rosalie à de véritables véhicules de collection et pas la Traction ? La notion d'origine n'est pas incompatible avec le montage d'accessoires d'origine. La FFVE a défini la notion de Vie Utile (se prolongeant dix ans après l'arrêt du modèle). Tous les éléments montés pendant la Vie Utile de la voiture font partie de son histoire. Citons quelques belles marques, la plupart disparues : Quillery, Grégoire, Robri, Tubauto, Speed, Prélac, E.T., Eyrem, Scintex, Auteroche, OLD, les boîte 4 Reda, Duriez et Lepicard, et d'autres moins connues telles que Labinal, Torrix, Villard, Erop, SD, Réro, Caillat, etc.

 

11) Pour l'apparence : la Traction est belle, pourquoi l'améliorer ? Curieuse tendance qui veut que pour être belle une chose doit être surchargée de décorations ou d'accessoires... Je promeus le "less is more" : "le moins, c'est mieux". Elle restera une Traction et lorsque vous la vendrez, n'interviendront que des éléments d'état de conservation objectifs, pas une bataille de goût. 

 

12) Pour la valeur (la cote) : je viens pour acheter une Traction et découvre une "Dupont". Elle est sympathique mais s'est éloignée d'une Traction. Si j’aime la Dupont, je vais l’acheter. Si je ne l’aime pas, je vais me détourner (un acheteur potentiel en moins) ou essayer de négocier en fonction des travaux à réaliser pour qu’elle redevienne une Traction : remise en conformité + remise en état. A contrario le vendeur d’une Traction conforme à l'origine n’aura qu’un seul type d’acheteur : l’amateur de Traction. La discussion portera juste sur son état.

 

Soyez certains qu'améliorer un véhicule ancien ne lui confère aucune plus-value, au contraire cela détériore son état originel. Quel serait le prix d’un Monet balafré de peinture indélébile ? Quel serait le prix d’une porcelaine cassée/recollée par rapport à la même intacte ? Quel est le prix d’un jouet Citroën dont manquent une roue, un phare, un volant, la clef ? Dans toute modification, n'oubliez pas le coût de la pièce manquante ou celui de la remise en conformité. Pour cette raison, la cote des épaves et des voitures restaurées conformes s’envole... au grand dam de ceux qui voient dans la Traction une voiture populaire.

 

13) L'avis de l'auteur :

En point subjectif, pourquoi j'aime l'origine dans les Tractions ?

- pour l'évasion : à leur volant, j'effectue un voyage temporel. Ces instants de conduite sont la possibilité de voir la route avec les yeux d'un conducteur de 1934 à 1957. Il ne s'agit pas d'être passéiste mais de redécouvrir d'autres ambiances, d'autres régions, d'autres coutumes et de "jouer à" pendant quelques heures.

- pour les sensations : en ouvrant la portière, s'ouvre un univers fait d'odeurs inconnues, de bruits étranges, d'aventures uniques. Que va t-il nous arriver ?

- pour assurer la continuité contre le temps : privilège laissé par des hommes qui auraient pu tout détruire mais ont conservé cet outil en décidant d'en faire un patrimoine. J'aime l'idée de cette mécanique simple, nette, qui a résisté aux vicissitudes du temps et que je peux encore utiliser. 

- pour la simplicité : avec ses boulons et écrous, elle est à ma portée. Je peux me dépanner avec quelques outils et mes mains sans un tiers spécialiste ni un ordinateur. En parcourant le chemin, je me construis un but.

- pour la responsabilité : le progrès a rendu la technologie indispensable dans nos têtes. Elle a créé un vide aseptisé, une peur du monde, une béquille informatisée dont nous devenons les esclaves endormis. Au volant de ma Traction, je me réveille, me libère de ces peurs. Je redeviens l'artisan de ma route, seul maitre à bord.

 

Les limites de l'origine :

Voyons les différents points qui pourraient constituer un frein à la préservation d'un état d'origine.

 

1) La refabrication :

Une définition stricte de l'origine serait : voiture conservée dans l'état avec très peu de kilomètres et toutes ses pièces d'époque ou voiture usée dont on peut restaurer les pièces d'époque. Une définition plus large serait : voiture réparée ou reconstruite avec des pièces neuves refabriquées conformément à l'époque. C'est évidemment le remplacement par des pièces neuves qui éloigne de l'origine, et encore plus si ce ne sont pas des pièces conformes. Tout notre travail va donc consister à faire refaire des pièces conformes à l'origine. Problème : dans ce domaine, nous sommes les plus absents, les plus silencieux. Pourquoi ?

 

1bis) La mauvaise refabrication :

De nombreux collectionneurs se plaignent de la refabrication aléatoire des pièces : usinage non conforme, perçages au mauvais endroit, pièces vrillées, matériaux bas de gamme, faible tenue dans le temps (chromage), dimensions non respectées. Le monde Traction dépend de fabricants et de revendeurs avec toutes les problématiques connues de continuité de qualité des lots, d'impératifs économiques (choix des matériaux, transports) et de prix de vente accessible. La qualité se paie mais le tractionniste est-il prêt à la payer ? Depuis 2018, se développent des enseignes qui récupèrent des pièces d'origine, les restaurent pour les revendre ce qui suppose la maturité du marché et l'existence d'un certain pouvoir d'achat. Cette bonne idée est à suivre de très près.

 

2) La copie :

N'ayons pas peur des mots, la copie est une contrefaçon. C'est un produit neuf qui ne devrait pas pouvoir être immatriculé en France sous la marque Citroën et déclaré comme véhicule ancien de collection. Mais tout n'est pas si simple, notamment lorsqu'il faut partir d'une épave incomplète avec carte grise dont la reconstruction exigera 80% de tôles neuves. Il serait intéressant de mettre en place un notation d'origine. Si les tôles, montages, pièces détachées sont d'origine (même si remplacées à l'identique) mais que la peinture est neuve alors la note serait par exemple de 9/10. Nous exclurions les consommables, huile, eau, ampoules mais noterions au moins le type de pneumatiques choisi. Un roadster refait dans les règles de l'art mais non d'origine serait une "reconstruction à l'identique".

 

3) L'intérêt des collectionneurs :

Pourquoi enseigne t-on l’Histoire ? Pourquoi conserve t-on des monuments historiques ? Pourquoi garde t-on la maison ou l’armoire familiales, la bague de grand-mère ou la canne du grand-père ? Au lieu de préserver les différences, celui qui optimise les lisse dans un grand mouvement de remise à niveau technologique. Quel intérêt auront demain les Traction lorsqu'elles seront aussi équipées qu’une C4 Bioflex ? Une Traction avec ventilateur additionnel, 12 volts, boîte 4, c'est pour moi comme couper ses spaghettis, rajouter de l'eau dans un vin millésimé ou présenter la Joconde dans un cadre aluminium. Certes rien n'interdit de n'en avoir rien à faire de rien. L'intérêt des collectionneurs constitue le meilleur baromètre de l'état des voitures. Le jour où l'Histoire ne les intéressera plus...

 

4) Un environnement changeant :

Une automobile ancienne s'insérant dans la circulation est soumise aux lois et décrets, lesquels évoluent avec le temps. Certains touchent directement la structure du véhicule (interdiction de l'amiante dans le freinage ou les joints de culasse dès 1993, du plomb ou du mercure dans les peintures), d'autres sont plus indirectes (modification des carburants avec adjonction d'alcool dès 2007). Ces évolutions peuvent ne plus permettre un usage comme à l'origine. L'examen de l'environnement montre qu'à quelques détails près, il est encore possible de faire rouler une voiture 100% d'origine. C'est une chance pour notre passion.

 

5) Les limites du savoir technique :

Aujourd'hui nous disposons encore d'artisans capables d'intervenir sur nos anciennes : la fonte, l'acier, la sellerie, le réglage de carburation ou d'allumage, la carrosserie et la peinture et Michelin qui refabrique les pneumatiques. Que serait notre route sans ces professionnels ? Il faut les chouchouter, les respecter mais également les conseiller. Que voulons-nous ? Des pièces détachées approximatives pas chères juste pour rouler où un réel effort pour des pièces conformes qui redonneront leur splendeur à nos machines ? L'Automobile Ancienne n'est pas encore reconnue comme faisant partie du patrimoine français comme la restauration de tableaux, de bâtiments ou toitures, de tapisseries, de mobilier, d'horlogerie sinon nous n'aurions pas cette difficulté à obtenir de la qualité. La mode est au consumérisme pas au patrimonial. Sous l'impulsion de la FFVE, cela évolue mais très lentement. 

 

Conclusion :

Au-delà de la technique, ce plaidoyer sur l'origine pose quelques questions sur l'intensité de notre passion :

 

S'il s'agit (hors consommables) de le moderniser, c'est-à-dire de supprimer la notion de temps passé, pourquoi donner de la valeur à un véhicule ancien ?

Pourquoi s'intéresser au passé si c'est pour le remettre au niveau du progrès ?

Pourquoi ce que faisaient nos anciens, nous ne pouvons plus le faire sans moderniser ce qui est une preuve de notre amoindrissement car notre progrès semble ne plus nous permettre de maitriser la rusticité de cette époque ?

Que sommes-nous devenus, nous qui ne sommes plus capables de nous diriger dans un bois sans le secours d'un GPS de téléphone portable ?

Quel est ce progrès étouffant qui nous ôte notre capacité à être responsables, autonomes, pédagogues, intégrés dans la nature ?

Il serait intéressant d'en écrire l'histoire (code de la Route - voir ici / industrie / vie urbaine / démarches de qualité et de traçabilité, normes ISO) afin de voir à quel moment par exemple nous avons remplacé l'enseignement du danger par l'enseignement de codes du danger.

 

Cordialement

 

Le début de l'article est ici : Plaidoyer pour l'Origine I

 



01/05/2015
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