La villa "Les Abeilles" de Deauville
Poursuivons nos pérégrinations vers les hauts lieux du citroënisme en passant par la Normandie et notamment par la station balnéaire de Deauville (17 avril 2017).
Citroën et Deauville sont intimement liés. André Citroën sera locataire de la villa Paquin de 1924 à 1934. Nous voyons 4 raisons pour lesquelles son choix s'est porté sur cette ville :
- La proximité avec Paris. A l'époque, l'autoroute n'existe pas. Ce sont 202 kilomètres de nationales à parcourir avant de retrouver la mer en passant par la belle concession d'Evreux.
- Deauville regarde vers l'Amérique tout comme les usines de Javel.
- Le nom "Les Abeilles" a pu séduire Citroën qui, patron social, considère que ses usines sont une Ruche où chaque ouvrier a sa place toute aussi importante.
- C'est à Deauville qu'il a rencontré sa future épouse, Georgina Bingen. Ce lieu est donc également lieu de pèlerinage amoureux.
Trois cartes postales disponibles sur internet. L'entrée piéton est visible sur le côté droit
La villa comporte deux entrées, l'une au 15 boulevard Eugène Cornuché, permettant un accès voiture (vraisemblablement la photo ci-dessous, ce portail n'existant plus) et l'autre permettant l'entrée piéton au 1 rue Robert Fossorier, la porte d'entrée se trouvant vers l'arrière. Nous ne savons pas quelle adresse prévalait dans les années 20. Si le 1 rue Fossorier était la seule adresse, alors le portail visible au-dessus était bien petit et il aurait fallu contourner la villa, le garage se situant sur le côté gauche.
Notez l'inscription Les Abeilles au fronton
Construite en 1909 par l'architecte Auguste Bluysen pour la couturière Irène Paquin*, son style est anglo-normand, se caractérisant par une ossature en béton, de larges baies vitrées, des avancées en bow window (en forme d'arc), un colombage, de petits toits et un toit principal incurvé rappelant un chalet. Son emplacement est idéal : face à l'océan, à proximité des bains douches et des planches de Deauville, à quelques mètres du casino construit en 1912 par Eugène Cornuché (architecte Georges Wybo) où le patron aime se divertir, à une centaine de mètres du grand hôtel Normandy qui, si besoin, peut accueillir ses collaborateurs. Très bizarrement nous retrouvons Georges Wybo dans l'architecture de nombreux premiers magasins Citroën...
Citroën fera don à la ville d'une autochenille de la Croisière Jaune qui servira de navette pour transporter les baigneurs à marée basse.
A droite, la célèbre photo des enfants Citroën devant le porche de la villa Les Abeilles. Notez la végétation et les potiches en haut de l'escalier.
Le casino... Depuis des décennies, la famille Citroën (son épouse, ses descendants, notamment encore en 2009 à Arras) tentent d'amoindrir le goût d'André Citroën pour les jeux de hasard. Nous comprenons cette démarche. La villa Paquin sera d'ailleurs renommée par les détracteurs du patron, villa "Requin". Pourtant dans notre essai de compréhension de cet homme, nous ne voyons nulle infamie qu'il faudrait absoudre. André Citroën aimait éprouver ce vertige pour se délasser d'une vie millimétrée entre ses obligations familiales, ses contraintes d'industriel et ses engagements sociaux et publics. Le casino est un endroit à la mode qui permet d'accroitre ou d'entretenir ses contacts. La presse se fait écho de bancos retentissants plutôt au début des années 20 mais nous n'avons rien retrouvé de tel pour la décade suivante. S'il fallait admettre une face obscure qui est la contrepartie de toute figure illustre, celle-ci nous parait pour le moins anodine. Enfin nul ne peut réduire l'entièreté d'une telle vie à un seul acte.
La visite de Deauville nous a enchanté. Cette cité respire le pétillement, la soif de nouveauté, la fraicheur et le rêve. Nous avons reconnu dans ce choix le raffinement éclairé du Patron. Très grande, la villa Les Abeilles sera ensuite divisée en 4 appartements dont aujourd'hui au moins un est habité (voir photos). La façade a été récemment rénovée. Elle n'est hélas pas visitable.
Bien entendu Deauville fait partie du fléchage "Citroën". Ci-dessous un envoi de M. Laugeois. Du reste André Citroën ne s'y rend pas toujours en voiture :
Dernier point :
Selon Bernard Citroën, fils du constructeur, la villa est le théâtre d'un essai capital pour l'histoire de la marque. Le 23 août 1934, il voit arriver une Citroën 11 anormalement grande avec Denis Kendall au volant. La 22CV, puisqu'il s'agit d'elle, est soigneusement remisée dans le garage surveillée par le fidèle chauffeur Guégan ! Lire page 25 de la Conjuration de Javel, éditions NEL 1996.
Selon Bernard Citroën, le garage de la villa où dormit le prototype 22CV. Pour l'heure, il accueille une autre Citroën...
André Citroën à l'hippodrome de Deauville en août 1924 et 1926 (crédit : agence Rol)
* Les références sont plus qu'imprécises sur le net. La villa est parfois attribuée à Irène Paquin (dont articles de la mairie de Deauville et Ministère de la Culture) et parfois à Jeanne Paquin plus connue. Pour certains, elle a été construite en 1909, pour d'autres en 1912. Pour certains, André Citroën en fut propriétaire, pour d'autres seulement locataire et il est venu dès août 1920 ou dès 1924 pour Bernard Citroën. Je prends la liberté de publier cet article tel que rédigé (Irène / 1909 / locataire / 1924) ayant recoupé au maximum les informations. Je le retoucherai dès que j'aurais des informations fiables d'époque. Vous comprenez toute la difficulté de rédiger un article...
André et son épouse sur les planches en août 1929 : le vent souffle ! (© archives de l'auteur)
Au sujet des villas d'architectes, Robert Mallet-Stevens a proposé un plan de villa pour Jeanne Paquin (jamais réalisée). Vous pouvez retrouver une de ses réalisations ici : la villa Cavrois.
A découvrir aussi
- Essai du prototype M35 de 1971
- 2019 : causerie sur Le Centenaire Citroën
- L'origine de Citroën (IV) : Un logo d'acier
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 315 autres membres