Le blog de Jérome COLLIGNON

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Citroën SM : le Concorde de la route

Dernière folie de cette firme, cette voiture est ma deuxième passion. Non pas que je déteste la DS : les premiers modèles, sculptures sur roues, sont attachants quoique je préfère de loin le prototype Hippopotame II de 1949. Dans la SM, on sent à la fois un travail poussé sur l'aérodynamisme, une cohérence de style, un mariage incongru, le désir de concilier l'inconciliable. Cette voiture annonce la fin de l'ère Michelin et l'on se rend compte à quel point l'empreinte de Citroën a pu phagocyter l'austérité Michelin.

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La SM, super DS, nait en mars 1970. Ci-dessous l'acte fondateur : le pv des mines origjnal (appelé encore "barré rouge").

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Cerise sur le gâteau : elle n'a été fabriquée qu'à 12920 (certains disent 12933) exemplaires ce qui en fait une rareté sur la route. Alors que d'autres modèles aussi prestigieux voient leur cote flamber (Alfa Montréal par ex.) sa cote n'a quasiment pas bougé depuis les années 90 en raison de son image, entre 12.000 et 18.000 euros. Pourquoi bouder son plaisir ? Voici une voiture qui représente - à son époque - l'évolution extrême de la traction avant. Citroën fait mentir ceux qui ne croient pas au système traction avec des moteurs de plus de 2 litres de cylindrée pour des vitesses avoisinant les 220km/h. Citroën qui n'a jamais brillé par ses motorisations s'offre un Maserati V6. Je cherche dans ma mémoire mais il me semble que ce sera l'unique fois qu'un moteur estampillé d'une autre marque entre dans une Citroën, bien peu dans le goût d'un bureau d'études très chauvin.

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A cela s'ajoute un environnement tourmenté. Le 15 août 1971 (entériné en mars 1973), les Etats-Unis abandonnent la convertibilité du dollar en or, préférant faire flotter leur monnaie qui est alors dévaluée. Or le prix du baril de pétrole est fixé en dollar. Les pays de l'OPEP réajusteront leurs prix pour compenser les pertes. A cela s'ajoute un pic de production de pétrole américain. Les USA soutenant Israël dans la guerre du Kippour, les pays de l'OPEP décident en 1973 une diminution de la production voire même un embargo pour faire pression. La pénurie s'installe. Le prix du baril de brut est quadruplé passant de 4 à 16 dollars, le prix à la pompe passe de 1,16 à 1,62 francs, la pénurie s'étend en Europe dans un certain affolement. On commence à réfléchir à d'autres alternatives au pétrole et le débat sur les économies d'énergie refont surface.

 

Ce contexte a pu paraitre défavorable à la SM. Je n'en crois pourtant rien. Le pouvoir d'achat d'un propriétaire de SM lui permettait d'être à l'abri de telles hausses. Les ventes de la SM culminent en 1971 pour s'effondrer ensuite sans jamais se relever soit deux ans avant le premier choc pétrolier. Le second choc aura lieu en 1979. Quatre autres facteurs sont à mon avis à considérer.

 

Au vu du nombre des tués par an sur les routes (par ex. 16612 en 1972) sont décidées plusieurs mesures de sécurité routière : les ceintures de sécurité en 1970 puis les limitations de vitesse de 100km/ sur les nationales en 1973 ramené à 90 en décembre et 120km/h sur les autoroutes, ramenées à 90/140 puis comme actuellement 90/130 fin 1974. A quoi bon acheter un véhicule frôlant les 220km/h ? Du reste, entre 1973 et 1974, la Brigade Rapide d'Intervention BRI est dotée elle aussi de SM "dissuasives". Cette raison est la plus fréquemment invoquée, même par le service Communication de Citroën.

http://www.youtube.com/watch?v=K-IBMUgKAOU

 

Deuxième raison, le réseau semble avoir été réticent à vendre la SM. Citroën est constructeur généraliste. On imagine l'embarras des vendeurs devant une clientèle peu habituée à fréquenter les établissements de la firme aux Chevrons lorsqu'il faut reprendre les Mercedes, Porsche, BMW... et les recaser à un citroëniste de longue date avec des remises incompatibles avec le budget du garage.

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Troisième raison, un positionnement marketing atypique. Citroën n'a rien voulu sacrifier de sa différence technologique héritée de la DS qu'elle a même poussé jusqu'au bout en voulant faire une voiture qui conduit à la place du conducteur. Aujourd'hui nous sommes habitués aux asservissements hydrauliques ou électriques, moins à cette époque. La direction à rappel asservi, l'avant massif de la carrosserie, avec au-delà de l'immense capot, la verrière abritant le système complexe des phares tournants suspendus puis le parechoc pointu, exigent un doigté prudent dans l'appréciation des gabarits (encore aujourd'hui) et conviennent mal à une conduite nerveuse, la puissance du moteur n'arrangeant pas les choses. Si la SM peut être vue comme une voiture de spécialiste, elle n'est paradoxalement PAS une voiture sportive. Sa première place au rallye du Maroc 1971 et son moteur Maserati ont pu créer la confusion dans l'esprit de la clientèle, heureuse de voir enfin Citroën sortir de sa léthargie. A noter que la firme reviendra à des solutions plus classiques sur la CX positionnée comme voiture de famille, ce qui l'obligera à rehausser à nouveau le standing avec la série Pallas.

http://www.youtube.com/watch?v=d9M-5CPEtr0

 

Quatrième raison, son entretien répété et pointu a pu paraître contraignant tant au réseau qu'à la clientèle. La SM est d'abord une "Grand Tourisme", c'est-à-dire une routière. Lourde à l'arrêt, elle doit être lancée tranquillement jusqu'à atteindre sa vitesse de croisière vers les 160km/h qu'elle tient sans faiblir avec une confortable réserve de puissance. Le V6 Maserati demande un réchauffage soigné de son bloc aluminium (5 min au moins, couvre culasse chaud). La transgression de cette règle raccourcit la fréquence de l'entretien des chaînes de distribution qui, fort sollicitées, se rompent si l'on insiste ou si l'on n'a pas l'oreille mécanique. A noter peut-être un volant moteur sans inertie avec des tours minutes qui descendent rapidement lorsqu'on relâche l'accélérateur. Ajouté à cela une tendance au bourrage d'air chaud sous le capot vu sa taille et le nombre d'organes en place, avec vapor-lock fréquent au niveau du carburateur (il faut lui laisser ré-aspirer les gaz chauds et anticiper le retour en ville), un ramollissement de l'électrique et vous avez tous les ingrédients pour une réputation de fragilité capricieuse. Bien vérifier que le conduit d'amenée d'air au filtre fait le bon diamètre...

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Bien entretenue et surtout bien comprise donc bien menée, la SM se révèle dans toutes ses qualités : non pas brillante mais d'une puissance infatigable, confortable tel un tapis volant, luxueuse avec sa sellerie et sa console typées années soixante dix. Elle est surtout imperturbable. A 160km/h, la résistance de l'air absorbe 75% de la puissance motrice, d'où l'intérêt d'une bonne étude de l'aérodynamisme à 220km/h. La SM a été conçue pour optimiser son déplacement lorsqu'elle roule à ces hautes vitesses soumise à un vent latéral de 85km/h (angle de 35° d'embardée).

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L'intégralité du nuancier d'époque retrouvé lors d'un salon en 2015 (1970-1975). Du AC 82 gris Largentière au AC 640 bleu Delta en passant par le beige Tholonet, le blanc Meije, le sable métallisé, l'or de Simiane, le rouge de Rio, le vert des Tropiques, le bleu de Brégançon, etc. :

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Passons maintenant à la bibliographie sur cette voiture. Commençons par les revues techniques :

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Puis les revues : la presse d'époque

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celle des années 80 - 90 :

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celle récente.

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03/07/2014
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