Essai du prototype M35 de 1971
Ne possédant pas encore de véhicule ancien sauf une Ami8, j'ai eu la chance pendant quelques années de conduire et d'assurer l'entretien d'une M35 appartenant à mon club d'alors.
L'étude de cette voiture n°88 m'a conduit à certaines recherches techniques et de fournisseurs qui m'ont beaucoup appris sur l'histoire de Citroën.
Description sommaire :
Le coupé M35 ressemble à une Berline Ami 8 sur laquelle on aurait pratiqué une ablation d'un morceau de toit. La plupart des pièces sont spécifiques à ce modèle malgré l'apparence identique. La face avant est plus proéminente et n'accueille pas d'enjoliveurs de phares. La grille de calandre est percé de deux petits trous pour recevoir un logo trilobé bleu pâle. Les ailes arrières sont plus longues et la porte de malle très carrée est originale.
A bord le confort est royal. Pour moi, ce sont les meilleurs sièges jamais essayés (avec ceux de la SM dont ils s'inspirent). Ces baquets sans séparation au niveau des lombaires épousent parfaitement le dos et invitent aux kilomètres. Si la planche de bord est celle de la gamme "Ami" avec quelques voyants en plus, le volant est spécifique en mousse, les garnitures sont de couleur grises/noires matelassées simili cuir avec des parties en tissu de DS orange du plus bel effet.
Route et entretien :
Au volant, contact. Repousser le starter dès que le moteur tousse car il n'aime guère la richesse. Le piston rotatif s'anime dans un bruit de turbine. La pompe à huile injecte un faible pourcentage de lubrifiant dans la chambre de combustion : la voiture fume comme une sans soupapes.
Ce plus petit véhicule Citroën équipé de la suspension hydraulique se lève sur ses roues à la surprise des passants intrigués par les peu modestes inscriptions sur la lunette arrière ("ce prototype est en essai entre les mains d'un client Citroën") et autocollants blancs sur les ailes grises : prototype M35 n°XXX.
La grille de vitesses est elle aussi unique. Sur l'Ami 8, on a :
1ère : tirer vers la gauche
2ème : pousser tout droit
3ème : tirer tout droit
4ème : pousser vers la droite
M-AR : pousser vers la gauche
La grille de M35 est décalée comme suit :
1ère : tirer vers la gauche
2ème : pousser vers la gauche
3ème : tirer tout droit
4ème : pousser tout droit
M-AR : tirer vers la droite
Sans être un foudre de guerre, la M35 est assez vive, plus vive qu'un bicylindre mais il faut souvent mouliner les vitesses dans les côtes car elle accuse son poids. L'affirmation comme quoi le frein moteur n'existe pas sur ces voitures est erronée. La tenue de route est rendue souveraine par l'adoption de l'hydraulique qui limite le roulis plus que sur l'Ami 8 et c'est sans doute ce qui surprend le plus, avec le fait d'être assis assez bas.
Les 3 réglages de la suspension hydraulique (5 pour la SM)
J'ai atteint 144km/h avec cette auto pour le plaisir de faire sonner le buzzer qui accompagne le compte-tours à l'extrême gauche. Il est parfois déconnecté sur les voitures restaurées récemment et c'est bien dommage. Pour autant, en raison de sa technologie, on hésite à pousser ce moteur dans les tours. Vers 80.000km, le traitement de surface non encore totalement maitrisé des chambres de combustion laissait à désirer et l'intérieur du moteur "s'écaillant" (corrosion), celui-ci perdait rapidement en compression et puissance. Des professionnels regarnissent les moteurs rotatifs (traitement au nikasil) mais le prix est en rapport avec ce travail de précision. Nous sommes loin du régule de coussinet de bielle !
L'entretien nécessite une huile spéciale. J'ai changé les deux cassettes de l'allumage. Les deux bougies sont différentes : une Beru en haut et une Bosch en bas pour favoriser l'explosion et diminuer les imbrûlés. L'électrode est intégrée dans le puits de bougie afin de permettre à celle-ci d'être plate et de ne pas dépasser dans la chambre sphérique : le segment du rotor la balaie. J'ai récupéré la voiture avec deux bougies Bosch. On avait pour cela forcé l'un des filetages. C'est en compulsant la documentation que je me suis aperçu de la méconnaissance de cette mécanique. En le ramenant dans sa configuration d'origine, le moteur a nettement mieux démarré et tourné. Ce qui a permis d'éviter de la démarrer avec une batterie 24V...
Le pot d'échappement soumis à de fortes températures de gaz s'autodétruisant, j'avais recueilli l'information comme quoi un pot de Fiat 124 convenait parfaitement. Je n'ai pu vérifier cette assertion : j'ai laissé la voiture à un autre adhérent au moment où j'ai acheté ma Traction.
Conclusion :
Je garde un excellent souvenir de cette petite auto très originale, construite à seulement 267 exemplaires dont la plupart rachetés et ferraillés par Citroën. A son volant, j'avais l'impression de faire partie du bureau d'études Citroën. Sans ses inscriptions, elle serait assez discrète pour être confondue avec une Ami8. Dans les concentrations, elle attire les passionnés qui ne connaissent pas son fonctionnement et suscite des questions. Je m'étonne que sa cote n'augmente pas plus* : elle est rare, technologiquement différente, possède une bouille sympathique et son numéro "AM35" constitue un des jalons importants de l'histoire de la Marque.
Appendice : j'avais photographié naguère un "faux" coupé M35 (l'ex numéro 1, celui de Citroën étant le n°3) de couleur rouge sur châssis d'Ami8 avec moteur d'Ami Super. J'ai retrouvé sa photo.
Rallye de l'Amiclub de France - 12 avril 1993
Film Citroën :
http://www.youtube.com/watch?v=B4DxCX3XLpc
Sites internet :
Le Double Chevron qui va bien et surtout la rare plaquette de la Comotor.
Très instructif : http://www.youtube.com/watch?v=3WwlgalVH7 A
* Depuis 2012, date de rédaction de cet article, la voiture a pris beaucoup plus de cote.
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