2019/06/15 : Centenaire Citroën à Paris
Après la visite d'une exposition au Grand Palais*, je reprends la ligne de métro 10 qui file à toute allure vers la station Javel. La première fois que je suis venu dans cette station, c'était le 30 octobre 1989. La station comportait des panneaux verticaux rétroéclairés ainsi qu'une vitrine contenant une Tour Eiffel avec les lettres Citroën clignotantes qui fut rapidement vandalisée. Voici ce que cela donnait il y a 30 ans (ce sont mes plus anciennes photos).
M'y voici 30 ans après. Ma mémoire se comprime comme un accordéon : des centaines d'actes de vie qui tiendraient dans une boite de 30cm. Loin et hier, le temps glisse de façon indolore. J'en ai fait des choses en 30 ans et au fond je n'ai guère fait.
XVème, rue Linois, elles sont là alignées et protégées par des blocs de béton. Je ne vous les nomme pas, voici 100 ans que vous les connaissez. Quelle belle initiative, quelle façon originale d'occuper l'espace ! J'imagine l'âpre négociation face à l'auto-phobie de la mairie de Paris. Cette belle présence me réjouit et annonce un Centenaire fastueux. Ce ne sont pas que des mécaniques jugées archaïques ou polluantes, ce sont aussi des sculptures à taille humaine et un creuset d'idées.
Parisiens et touristes s'étonnent. Les commentaires fleurissent, je les ai notés :
- On démarrait ces vieilles voitures à la manivelle, il n'y avait pas de démarreur, dit un monsieur.
- C'était l'époque du charleston, dit une dame
- Dis donc, tu te souviens de la 2CV de la bonne du curé ? Prends-moi en photo devant.
- La DS ? Je déteste cette voiture. Je n'ai jamais aimé ses formes, dit une autre dame.
- Oh, oh, elle possède des cardans Rzeppa cette Traction, c'est rare ça. Regardez sur l'autre, le cabriolet, ce sont des Glaenzer-Spicer, dit un monsieur moustachu qui a l'air de s'y connaître et commence une explication à la cantonade attirant à lui les badauds. Je souris sans rien dire et m'éclipse.
Les vigiles bienveillants ont fort à faire pour éviter que chacun ne passe du côté circulation pour d'autres photos. Olivier Masi** explique la genèse de l'autochenille 1922 reproduite à neuf par des élèves ingénieurs des Arts et Métiers et de différentes écoles après 50.000 heures et trois ans de travail.
- Qu'est-ce qui vous a motivé dans le choix de cette automobile ? lui demandais-je
- C'est une idée à moi. Elle symbolise l'aventure, le raid sportif, le désert, le patrimoine. Ce sont des valeurs qui font rêver. Son rôle est triple : valoriser l'apprentissage par la transmission de savoir, la professionnalisation et bien sûr le patrimoine. Le motif du Scarabée d'Or a été peint à la main par une étudiante de 25 ans. Les attaches de sangles ont été coulées et finies à la main. Nous avons fait appel à une école de sellerie. Chaque pièce, notamment de la transmission, a été conçue par CAO et PAO. La chenille en caoutchouc est garnie de câbles en kevlar afin de durer.
- Elle tourne ?
- Bien sûr. Nous allons prochainement l'emmener dans le désert pour l'essayer.
Un autre organisateur ouvre le capot gauche :
- Regardez, je vais vous montrer un mécanisme particulier sur cet engin. Sur la colonne de direction une vis sans fin est entourée de câbles d'acier. Ceux-ci sont des câbles de freins reliés à chaque chenille. Lorsqu'on tourne le volant, cela freine la chenille intérieure au virage (et ainsi on peut virer plus court autour d'un point fixe central, ndlr).
Les flashs crépitent. J'aurai l'occasion de revenir sur cette réalisation.
Soudain un jeune couple de mariés en costume d'époque s'approche en dansant. Je me dis que jeunesse, sourire et joie de vivre constituent de belles cartes de visites. Les comédiens jouent à colin-maillard devant la 7A. Le contraste est saisissant entre la circulation grise, informe, banale et les courbes bleues chromées de cette Citroën qui, aux joues rondes, au regard clair, attend sagement les ailes déployées prête à s'envoler. C'est bien ELLE la plus belle et la plus entourée.
Plus loin un crieur vend ses journaux des années cinquante. Encore plus loin un groupe de hippies chante le dernier tube à la mode en évoquant les années 60 et 70.
Les Citroën récentes (BX, AX, Xantia, XM, Xsara, C6, C3, C4) sont bien esseulées...
... de même que les sportives siglées ou pas "Sébastien Loeb". Je les prends toutefois en photo car elles marquent des étapes importantes de la firme.
Par contre du monde et des gardiens autour du prototype ovoïdal C10 (une pure merveille, la Voiture de l'Avenir pour moi), de la GT by Citroën et en face autour des concepts-cars Ami One et 19_19.
Des fils électriques courent le long des trottoirs pour alimenter les batteries, comme autant de fils à la patte. Autonomes ? Pas tant que cela…
Je termine ma visite parisienne par un pèlerinage, une balade dans la fraicheur des sous-bois de Javel. Rayons du soleil et feuillage dessinent un vitrail sur le sol qu'accompagnent les trilles des oiseaux et la fraicheur des fontaines. J'interroge un buste sur colonne, qui silencieux dans son coin observe nos agitations : dites moi Monsieur Citroën, serons-nous là ensemble dans 30 ans ?
Notes :
* L'exposition "Rouge" au Grand Palais consacrée à la Révolution russe de 1917 (un autre de mes centres d'intérêt).
** Président de l'association "Voitures et Hommes" à l'origine du projet. Prochain projet : la Delage V12 Labourdette de 1937 qui n'a jamais pu courir le Grand Prix.
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