Le blog de Jérome COLLIGNON

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La campagne de sécurité 1933-1934

Préambule :

 

Depuis leurs accords de licence du moteur flottant de 1930 et la visite du Patron aux États-Unis en octobre 1931, les firmes Citroën et Chrysler ont convenu de détenir chacune 5% de leur capital réciproque. Les contacts sont assez étroits pour que l’une et l’autre échangent des informations techniques et commerciales dans le but de concevoir leurs futures gammes de véhicules de tourisme. Certaines campagnes publicitaires notamment celles dédiées à la sécurité se ressemblent étrangement.

 

Crash tests médiatisés :

 

La Chrysler Corporation ouvre le bal en 1932 en faisant circuler une de ses voitures de tourisme sur le toit de laquelle est juché un éléphant.

 

Citroën lui emboîte le pas en déposant 5000 kilos en sacs de sable sur le toit de deux C4, l’une photographiée dans la cour de l’usine et l’autre (en forme de reconstitution) exposée dans le tout nouveau Magasin de la Place de l’Europe. Notons à ce propos que les cales disposées sous la voiture ne servent pas à protéger la caisse Tout Acier mais bien à éviter l’affaissement des suspensions et l’explosion des pneumatiques. Les portes s’ouvrent toujours sans effort.

 

La Marque aux Chevrons renouvelle l’expérience avec sa nouvelle 8CV Rosalie en lui faisant subir le poids d’un autobus ainsi que tous ses occupants (et non des moindres !). Le film de cette aventure existe toujours, retrouvé par un collectionneur.

 

 

Pour 1933, Citroën est en avance sur Chrysler. Avant d’éditer une plaquette commerciale intitulée « SECURITE », la marque oblige par une rampe spécialement construite une Rosalie 8CV à effectuer un tonneau à petite vitesse, le terrain étant en pente douce, opération sans dommages pour l’habitacle. Une opération est également lancée pour prouver la solidité des glaces Sécurit.

 

 

La Citroën de la falaise :

 

Afin de prouver définitivement la supériorité de la monocoque Tout Acier sur toute autre construction composite faite de bois et d’acier, le service Propagande des Usines décide avec la Nouvelle 7 de retenter l'expérience de la Rosalie et se met à la recherche d’une carrière dans la région parisienne. Le lieu idéal ne doit être ni trop abrupt, ni trop pentu. On achète à bas prix deux occasions de marque Renault et Peugeot et on prélève une 7A fraîchement sortie des chaînes. L’expérience a lieu le samedi 26 mai 1934.

 

Les deux concurrentes sont poussées dans le vide et filmées. Elles effectuent un tonneau, qu’elles terminent à peine, leurs carrosseries implosant sous le choc. Les photos parlent d’elles-mêmes. Les carrosseries ont été réduites à la minceur de crêpes bretonnes.

   

A gauche Renault, au milieu Peugeot, à droite Citroën

 

L’équipe en place pousse alors sans ménagement  la 7 sur cette piste mortelle. Le Lévrier d’Acier fait un tonneau, rebondit une fois et retombe sur ses roues. Les techniciens s’approchent : miracle ! Si la coque est bosselée à l’arrière, si la custode arrière est en miettes, si les jambonneaux pliés ont fait s’échapper le capot, l'habitacle a subi peu de déformations. Les 4 portes s’ouvrent et se ferment. Ni le pare-brise, ni les vitres latérales ne sont brisés et surtout l’espace vital a été préservé.

La voiture après une chute de 8 mètres. Les flèches rouges matérialisent les pliures des jambonneaux. Les deux personnages à droite sont en train de positionner le capot. Voiture renforcée ? Peu crédible. Par contre elle aura du mal à repartir par la route...

 

Le film de ce comparatif (cruel pour les concurrentes…) existe toujours. On peut voir la première partie, filmée du haut de la falaise dans un diorama imprimé sur une trentaine de pages de l’ouvrage  « André Citroën Les Chevrons de la Gloire » par Sylvie Schweitzer et Fabien Sabatès éditions EPA 1981. Lorsqu’on feuillette rapidement les pages, la voiture s’anime. La version originale est un film des Actualités Gaumont. Après une pirouette, la Citroën 7 retombe sur ses roues et s’immobilise. Deux employés s’approchent pour vérifier avec satisfaction que les vitres sont intactes et fonctionnent toujours et que les portes s’ouvrent correctement. Ils posent le capot qui s’était échappé, s’installent au volant et l’on voit la 7 repartir par ses propres moyens, tout cela agrémenté par les explications gouailleuses du speaker.

 

Voici un lien :

http://www.youtube.com/watch?v=0jXcDF_JIbM

 

Or ce film présente une anomalie. En effet, la 7 ne repart pas tirée par son moteur. Une corde invisible (en dehors du champ de la caméra) tracte l’auto. Cette petite supercherie - non avouée par la marque - est confirmée par les témoignages d’époque et par les points suivants :

Le choc au niveau des jambonneaux a très certainement endommagé la liaison moteur-boîte ou plus simplement faussé le train avant. Sur les photos, l’affaissement de la suspension moteur est bien visible. Lors du redémarrage par les deux employés, l’un s’assoit comme passager, semble t-il les mains sur les genoux et le regard fixé vers l’avant et l’autre pose ses mains sur le volant sans toucher à aucune des commandes du tableau de bord que ce soit le starter ou le démarreur !

Les critiques de l’époque firent courir le bruit que la 7 avait été renforcée pour l’occasion. Il semble que ces remarques soient sans fondement. On n’imagine pas la première firme européenne se lancer dans une escroquerie publicitaire un an seulement après le succès retentissant des 300.000 km de Petite Rosalie, machine strictement de série homologuée par l’ACF. Au pire peut-on imaginer un renforcement des jambonneaux par la soudure d'un fourreau métallique limitant le pliage. Ceci ne remet pas en cause la résistance de la coque et des ouvrants.

 

La Chrysler de la falaise :

 

La Chrysler Airflow présentée au salon de l'automobile de New York de janvier 1934, sort en série dès février. Lors de la prolongation en 1934 (26 mai-31 octobre) de la "Chicago Century of Progress Exposition" de 1933, Chrysler projettera de la même façon une Airflow du haut d’une falaise afin de démontrer la solidité de la structure coque Ambi-Budd. La date retenue par Citroën n'est pas anodine : le jour de l'ouverture de cette exposition !

 

Voici un lien vers ce film d'archive :

http://www.youtube.com/watch?v=bFl5pEe-7uo&NR=1&feature=endscreen

 

Notons qu’il reprend tous les thèmes chers aux deux firmes : la glace Sécurit, le renversement de coque, le looping-test avec en plus un test de freinage avec freins et route mouillés pour la Chrysler et la solidité de la structure Acier. Vous replacerez facilement le document ci-dessous dans le film. Le geste du film est exactement celui que je fais dans mes conférences lorsque j'explique le principe de résistance à la torsion.

 

 

Citroën fera rééditer sa plaquette Sécurité fin 1934 (au moins deux éditions). Elle contient des témoignages d’accidents de notables, tous clients satisfaits du comportement de leur voiture.

 

© 2012 Jérome COLLIGNON



04/07/2012
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