Acheter - vendre : la valeur des choses
Parfois sollicité pour estimer des voitures ou des pièces, j'ai fait au mieux pour refuser ce genre de proposition afin de ne pas être associé à des transactions privées et peut-être à des conflits. La profession d'expert est reconnue. N'en ayant pas les diplômes, je ne peux endosser cette responsabilité. Cela ne m'empêche pas d'avoir une opinion sur la valeur des choses. Partons faire un tour dans la jungle des transactions afin de tracer quelques pistes. Ce sujet - à ma connaissance - jamais étudié complète la partie Guide d'Achat de mon ouvrage.
I) La cote officielle :
C'est en principe la notion la plus "objective" déterminée par des experts, des assureurs, reprise par la presse. Mis à part quelques expertises (qui ne constituent pas la règle générale), qui s'en prévaut aujourd'hui ? La cote des voitures anciennes n'est, me semble t-il, plus guère suivie et parait obsolète dans certaines revues. Il suffit de se connecter sur internet qui a concentré le flux d'informations pour se faire une idée des prix demandés. Ils diffèrent sensiblement, de même que lors de ventes aux enchères.
II) La valeur donnée aux choses :
A l'opposé, on trouve la valeur la plus subjective, celle donnée aux choses :
II-1) Elle varie selon la position d'acheteur ou vendeur.
La position de vendeur ne peut être la même que celle de l'acheteur : à position différente, langage différent. Le vendeur va vouloir maximiser sa vente, l'acheteur va vouloir la minimiser.
Lorsqu'en tant qu'acheteur, je vois une Traction de type préparation rallye motorisée par un bloc ID, avec tente sur le toit (valeur 1000€), avec jantes de Lada chaussées de pneus à 50€, vendue 50.000 euros, il est évident que je m'interroge. Le coût du montage de ce bloc + les aménagements + la tente + quelques tubes soudés devraient conduire à une voiture de moins de 20.000 €. Surfant sur la mode des rallyes, on essaie de conférer une valeur artificielle à une voiture. Lorsque je vois un coupé à vendre 200.000 euros tandis qu'une officine propose des roadsters neufs pour 60.000 euros (avec possibilité d'acheter une carte grise d'origine pour 6000 euros), je m'interroge. Par ailleurs je n'ai jamais rencontré de vendeur philanthrope qui proposait une 15/6 neuve pour 10.000 euros.
Une machine "à rêve" bien fatiguée... proposée à 50.000€
A quoi se fier et qu'est-ce qui peut faire évoluer la cote d'année en année ?
II-2) Elle peut varier selon la valeur affective :
Cette valeur appelée encore "cote d'amour" est fonction de la rareté du modèle, de sa beauté communément admise, de l'intérêt de l'acheteur et de ses moyens.
II-2a) Intérêt et moyens :
Un acheteur doté de moyens illimités sera prêt à mettre 200.000 euros dans un rare coupé surtout s'il le cherche depuis 10 ans. Un acheteur compulsif est dans une ambiance fiévreuse de vente aux enchères capable d'acheter une voiture 3 ou 4 fois son prix. Mais est-ce sa valeur ? Par exemple, la vente de l'épave de 5CV de la Collection Baillon à 23.850€ fut évidemment une très mauvaise affaire. Pour ce prix, on pouvait avoir une voiture neuve. Cette épave ne valait guère plus de 1500 euros.
http://lautomobileancienne.com/resultat-vente-artcurial-collection-roger-baillon/
Il est vrai qu'il suffit d'un seul acheteur motivé pour que la vente soit conclue.
II-2b) La rareté :
Elle est fonction du nombre de véhicules produits, du nombre de survivants, de l'usage particulier du véhicule dont il s'agit. Si la provenance "Baillon" ne confère aucune valeur particulière à la 5CV dont nous parlions, l'association du nom "Alain Delon" a fait s'envoler le prix de la Ferrari de cette même collection. La rareté du roadster 15/6 lui confère une cote quasi inestimable (3 survivants sur 7 coques assemblées).
Vendu aux enchères 612.400 euros le 15 mars 2015. Record battu : c'est la Citroën (hors transactions privées discrètes) la plus chère.
Elle était loin d'être en état "concours".
Avec le développement du net est apparue une variante de la rareté : la petite annonce rare. L'objet est assez courant mais personne n'en vend, il est donc réputé rare par l'unique vendeur. L'acheteur doit savoir patienter.
II-2c) Le nombre d'acheteurs :
Un objet peut être rare mais n'intéresser personne. C'est le cas de certaines voitures fabriquées en petit nombre qui, par leur technique dépassée ou au contraire leur complexité, l'absence de pièces détachées voire leur laideur restent dans les mains du vendeur. Au bout de quelques semaines, le vendeur est contraint de baisser son prix s'il veut vendre. Là encore un seul acheteur permettra de conclure la vente. C'est au moment du prix suffisamment baissé pour déclencher l'achat qu'on pourra fixer une cote raisonnable. A contrario un trop grand nombre d'acheteurs pourra faire gonfler le prix en entrainant un phénomène de surenchère. Le niveau d'exposition du modèle est ici essentiel pour sa notoriété.
Exemple d'une auto rare mais qui a 35.000€ ne trouve pas preneur : cabriolet Rosengart LR500 de 1933 (conception Adler).
II-2d) Limites :
Certaines populaires sont déclassées par les collectionneurs. Opposons quelques exemples au roadster Traction Citroën. Comment expliquer qu'un cabriolet Celtaquatre Renault des années 1934 à 1939 cote 5 fois moins que le cabriolet Citroën des mêmes années ?
Même certaines autos de luxe sont sous cotées. Un coach Hotchkiss Côte d'Azur de 1935 ne vaut "que" 45.000€ tandis qu'un coupé Traction tutoie les 90.000€... c'est-à-dire le prix d'une Facel Vega HK500 qui, avec toutes ses pièces spécifiques, est loin d'être une populaire.
Une vente aux enchères peut-elle servir à constituer une cote ? Je pense que non. Cet événement est trop irrationnel, trop isolé, trop "show business" pour servir de référentiel sérieux. Mais cette folie passagère n'est pas sans impact sur l'emballement du marché de la voiture ancienne, ce jusqu'au délire. Demain les épaves se vendront-elles au prix du neuf en tant que "oeuvre d'art potentiellement source de plaisir" ? Cela relève parfois de la psychanalyse...
D'où l'envie peut-être de se replier sur la valeur réelle.
III) La valeur technique :
Plus mathématique, elle dépend du niveau d'exigence, de la compétence du propriétaire et, partant, de l'état mécanique et esthétique du véhicule via la qualité de restauration et le temps consacré.
Imaginons un tractionniste qui a passé 3000 heures à restaurer sa Traction. La voiture a été totalement démontée, chaque boulon traité et chaque tôle suspecte changée (j'en connais). Imaginons le même tractionniste sans aucune compétence ni outil confiant sa voiture à un professionnel. A 50 euros l'heure, nous en sommes à 150.000 euros. La voiture vaut-elle cette somme ? Non. Sa valeur peut être estimée à 18-25.000 euros.
Trois 11BL de 1949 : sellerie d'origine / refaite proprement car trop abîmée / refaite à peu près en tissu d'ameublement :
on voit bien que leur valeur ne pourra pas être la même pour les trois...
On pourra trouver (mais il se fait rare) un vendeur qui travaillant de ses mains a envie de vendre à un prix normal, c'est-à-dire de ne compter pour rien ou négligeable sa main d'œuvre. J'ai ainsi un ami qui a vendu une magnifique auto restaurée par lui, 8000 euros de moins que sa cote admise (22.000€ au lieu de 30.000). Cet altruisme est tout à son honneur.
A contrario on constate souvent que le prix de vente comprend le remboursement des frais engagés pour rendre l'auto présentable. J'appelle cela : "acheter les factures". L'acheteur sera, si on me permet cette lapalissade, toujours le payeur de tout ce qui a été entrepris pour la remise à niveau et de tout ce qui reste à entreprendre. Pour évaluer une voiture, on doit donc tenir compte de l'existant mais aussi des travaux potentiels pour rouler dans de bonnes conditions.
Parfois c'est le vendeur qui est allé trop loin dans sa restauration et qui, la mort dans l'âme, doit se séparer de son auto avec une belle perte. Peut-on dire que la valeur réelle est la valeur d'achat + les coûts de réfection que la cote d'amour peut majorer ? On voit bien que dans certains cas, ce sera impossible.
Une 4CV cotera moins qu'une Traction qui cotera moins qu'une Jaguar type E. Or leur refaire une peinture coûtera aussi cher pour les 3 voitures, en préparation, ponçage et matière première ! La cote technique sera fonction de l'état d'origine, de l'entretien, de la conduite.
IV) La valeur réelle :
Tentons une synthèse : la valeur réelle est un mix entre la cote d'amour, les travaux effectués, ceux restants à effectuer. Elle est à comparer avec le prix de vente.
- Si la cote moins le prix de vente laisse une marge suffisante pour terminer l'auto dans les limites de votre exigence et de vos compétences : foncez !
- Si vous savez que vous allez dépasser la cote mais que la voiture est suffisamment rare pour prendre de la valeur (par exemple peu de survivantes ou date de mise en circulation qui s'éloigne inexorablement) : vous pouvez acheter.
- Si la cote est déjà dépassée mais que l'auto n'appelle aucun travail supplémentaire : vous pouvez accepter ce sacrifice "coup de coeur".
- Si la cote est presque atteinte mais que les travaux restants (considérables ou non) ne vous effraient pas car vous avez les compétences et l'outillage pour les mener à bien : foncez.
- Si la cote est proche mais que les travaux sont considérables et que vous ne vous sentez pas les compétences pour les entreprendre : n'achetez pas, vous courez à la catastrophe en confiant votre voiture à un professionnel. La voiture terminée vaudra plusieurs fois sa cote réelle. Ne restera plus qu'à la garder jusqu'à la fin... la sienne ou la vôtre !
V) Achat/vente et psychologie
V-1) La notion de temps :
Un vendeur pressé, une annonce devenant ancienne et le prix est minoré. Une mise en vente sans réelle motivation "j'ai le temps de la vendre" et le prix est majoré ou ferme.
Quelques rares annonces créées par des personnes qui ne sont pas vendeuses mais veulent juste une cote, c'est-à-dire une surenchère suffisante pour se décider, me paraissent intellectuellement malhonnêtes.
V-2) La transmission :
Pour le vendeur, peut entrer en ligne de compte le souhait de transmettre sa voiture à un acheteur dont le niveau de passion est équivalent ou supérieur. J'avoue ne pas être enthousiasmé par cette notion au nom de la liberté : un acheteur se présente, il est intéressé, le prix lui convient, pourquoi refuser la vente au motif que sa tête ne revient pas ? Rien n'empêche l'amitié entre acheteur et vendeur : elle permet de combler les trous dans la vie de la voiture. Un acte de vente est bien sûr une rencontre. Ce n'est ni un entretien d'embauche ni un acte de foi envers le vendeur. Dans ce cas, il est préférable de conclure entre amis ou proches. Voilà pourquoi lorsque j'ai vendu une auto, je me désintéresse de son sort. Je n'ai aucun droit moral sur ce bien vendu qui appartient à un nouveau propriétaire lequel en dispose à son gré sans me devoir allégeance. Une vente mûrement réfléchie ne peut être regrettable.
V-3) L'orgueil :
Il joue un très grand rôle. Pour avoir assisté à quelques ventes aux enchères, je puis affirmer que rapidement s'expriment des égos qui dépassent la raison, la valeur intrinsèque du bien ou même la passion. Le rôle du commissaire-priseur est d'attiser le désir d'être le meilleur. Les applaudissements à la fin de l'enchère ne couronnent nulle autre performance que celle d'avoir prouvé un portefeuille garni. Un vendeur sur Ebay m'a une fois déclaré que la valeur que je conférai à son objet était indigne et que le mettre en ligne serait lui rendre "justice". Confondre honnêteté et appât du gain relevait ici aussi de la psychanalyse ! Combien de fois ai-je entendu "vous n'y connaissez rien" alors que le même objet est proposé ailleurs à prix raisonnable. Le vendeur croit toujours détenir de l'or.
Quand une voiture est vendue par un professionnel 55000 euros alors qu'elle en vaut 40-45000, qu'achète t-on ? Le surplus regroupe : la marge du vendeur, un service, un orgueil. Le service peut être une assurance qualité : l'enseigne très connue fait "en toute simplicité" payer son nom considérant qu'elle garantit sa marchandise contre tout vice caché... ce qui est pourtant la base du métier. Autre exemple : l'enseigne très connue refuse de vendre moins cher qu'un concurrent ou que la valeur raisonnable parce qu'elle sélectionne ses clients les plus fortunés pour éviter les petites ventes à faible marge.
L'effet cliquet inventé par Thomas M. Brown (ou effet mémoire) est bien réel. Quel est-il ? Lorsque le revenu d'un ménage diminue, celui-ci tend à garder la même consommation. Exemple : un consommateur déjeune de pain sec, ses revenus croissants lui permettent de le garnir de beurre puis de confiture, il s'habitue à ce "luxe" indispensable. Si ses revenus chutent au niveau antérieur, il lui sera quasiment impossible de revenir au pain sec. On associe à l'effet cliquet l'effet de "démonstration ou d'imitation" développé par James Stemble Duesenberry : la consommation d'une classe inférieure est ajustée à la consommation d'une classe sociale supérieure. Une personne à fort revenu aura tendance à rechercher un véhicule de haut de gamme.
L'amateur réellement fortuné se fera construire... sa voiture.
V-4) Le degré d'exigence :
On peut dire que, pour l'acheteur, l'acquisition d'une ancienne relève du parcours du combattant et cela quel que soit son niveau d'exigence.
Si votre degré est bas, votre bonheur sera complet au volant d'une voiture qui "marche", c'est-à-dire qui freine même si elle ne freine pas droit, qui démarre même laborieusement (vous vous en émerveillerez) dont certaines vitesses passent mieux que d'autres (vous préférerez passer ces vitesses-là). Vous roulerez peu, délicatement en aimant votre voiture et son service pourra durer quelques années. En réalité retapée, elle tombera fatalement en panne et le désamour commencera.
Si votre degré est haut, vous risquez de courir de voitures en voitures sans parvenir à vous décider. Le plus souvent l'on choisit la "moins mauvaise".
Il faut savoir traduire les annonces. L'exigence du vendeur peut constituer un frein à la vente.
Par exemple l'auto ci-dessous date de 1949. Elle est proposée à 17600 euros ce qui est beaucoup pour ce millésime populaire. La mention "à voir avant de parler prix" indique que l'argument Qualité de restauration sera mis en avant. Traduction : "je sais qu'elle est rouge, si vous aimez une belle restauration mais détestez le rouge, c'est-à-dire si vous ne partagez pas mon goût, passez votre chemin car la négociation sur le non respect de l'origine (teinte candy, calandre chromée) sera difficile". La réalité hélas : à moins d'aimer cette teinte, il faudra minorer le prix du montant des travaux pour une remise en état moins flashy soit un prix final de 12-14.000 euros. En acceptant le prix actuel puis en faisant repeindre l'auto, vous la paierez au final 23.000€.
Il en va de même pour les annonces qui mentionnent avec une incroyable agressivité : "curieux s'abstenir" ou "ne me faites pas perdre mon temps". Dans ces cas-là, en effet, mieux vaut s'abstenir de faire des kilomètres inutiles.
V-5) La bonne affaire :
De nombreux acheteurs se font prendre par la belle facture d'un objet et son prix dérisoire en pensant réaliser une bonne affaire. Avec l'apparition de refabrications de plus en plus fidèles se développe une confusion entre ancien et moderne vieilli prématurément (après une exposition à tous les vents). La taille, les marquages, le prix doivent alerter l'acheteur sur l'âge réel de l'objet. Le plus souvent il datera de 2005 mais pas de 1935.
Ci-dessus la photo d'un stand prise à la bourse de Lipsheim. Aucune de ces plaques n'est d'époque !
V-6) La manipulation :
On peut la rencontrer lors de salons ou sur internet. Le vendeur demande à l'acheteur potentiel de fixer le prix de l'objet : "combien m'en donneriez-vous ?". Il y a alors trois types de réponses : je vous en donnerai 1 million d'euros, je vous en donnerai 1 euro, quel est le prix en dessous duquel vous ne descendriez pas et ceci fixera votre prix de vente". Ceci se voit sur le site Leboncoin. Certains vendeurs le confondent avec un site d'enchères et annonce vendre "au plus offrant". Lorsqu'on vous demande le prix que vous mettriez, dressez l'oreille et soyez certain que le vendeur sait exactement le prix qu'il en veut.
Degré d'exigence, bonne affaire et manipulations dépendent du degré de connaissance. Tout acte d'achat ou de vente passe par une recherche sur l'objet.
VI) L'euro :
L'apparition de cette monnaie, mise en service en janvier 2002, a bouleversé le marché.
VI-1) Les petites annonces d'il y a 10 ans :
Lorsqu'on reprend des annonces de revues datant d'avant 2003, on peut lire : à vendre voiture, plus de 10.000 francs de facture. Qui aujourd'hui écrirait : voiture à vendre avec plus de 1500€ de facture ? On ferait rire. Et pourtant... inexorablement les euros ont remplacé les francs mais pas avec la même valeur ! Qu'on se souvienne de Serge Gainsbourg brûlant un billet de 500 francs à la télévision. Le scandale serait-il aussi grand en brûlant un billet de 100 euros ? Je pense que non. Il faudrait un billet de 200 euros (1300 francs) pour créer le buzz.
Heureuse époque que le début du 21ème siècle où l'on trouvait :
(Auto Rétro - mai 2003)
- Citroën DS Pallas bon état 8.400€ (une autre restaurée en 1992 pour 7.500€)
- Citroën SM injection 95.000km d'origine, cuir, clim, excellent état, entretien suivi, 9.000€
- Facel Vega coupé Facellia F2 1962 bon état avec échappement à revoir pour... 11.400€
- Peugeot 301 roadster 1933 restauré neuf pour 15.000€
- Porsche 356 1962 pièces neuves 15.000€
- Maserati Ghibli restaurée neuve pour 33.000€
(RétroViseur - mars 2005)
- Citroën ID19B 1968 sortie de grange pour 600€
- Citroën U23 1962 camion plateau avec juste freins à refaire pour 2.000€
- Renault 4Cv 1956 état exceptionnel pour 4.800€
- Hotchkiss Cabourg 1935 restaurée à neuf 12.000€
- Salmson G72 Chapron 1951 superbe état pour 14.500€
- Citroën 7C 1938 authentique état concours pour... 62.000€
Je passe sur les Peugeot 403 neuves à 2400€ et autre Panhard 24BT 77.000 km d'origine pour 4500€. Toutes ces autos valent aujourd'hui le double voire le triple. A gauche, je vous ai mis une fourchette par catégorie de ce qu'on trouvait il y a 12 ans et à droite ce qu'on trouve aujourd'hui (versus) :
- épave rouillée ne dépassait pas 1.000€ vs 3-4.000€ aujourd'hui
- sortie de grange d'origine 90.000km à rafraichir : 2-3.000€ vs 5-6.000€
- auto restaurée 14-15.000€ vs 20-25.000€
- auto état concours 18-19.000€ vs 28.000€ et plus
A l'époque les vendeurs convertissaient. On évitait d'effrayer le client par un astronomique et brutal 20.000 €. Aujourd'hui ce chiffre est banal si l'on veut une belle auto courante sans travaux. Sur 12 ans, doubler un capital de 10.000€ équivaut à un placement à 6% et sur 10 ans 7,5%. Pas mal ! Par contre avoir acheté le roadster 7C en 2005 pour 62.000€ et le revendre aujourd'hui 95.000€ ne vous rapportera qu'une rentabilité de 4%. La mise de départ plus forte et l'augmentation de cote non proportionnelle constituent une limite. Mieux vaut investir dans une populaire typée ou rare ! Je pense que nous avons atteint une limite de cote.
VI-2) Remontons le temps de plusieurs décennies :
Par curiosité, je suis remonté à 1993 juste après la crise du Golfe et la chute des prix des Ferrari. Le "100.000 francs" était un gros mot. On trouvait une DS Pallas 1973 68.000km d'origine pour 38.000F, une familiale Traction 1954 état concours pour 65.000F. Côté voiture de prestige : un cabriolet DS restauré à neuf valait 200.000F ou un DS Lorraine Chapron 220.000F. Je me souviens qu'on achetait des 2CV en très bon état pour 3000F et qu'avec 6000F, on pouvait choisir une berline d'occasion. Bien sûr il faut convertir ces francs en euros d'aujourd'hui en tenant compte de l'inflation.
Et 10 ans avant ? Je suis remonté aux années 1981-1984. Citroën DS23 Pallas 1973 (15.000F), DS21 cabriolet Chapron (50.000F), un cabriolet Traction à restaurer pour 25.000F, une berline 11N bel état pour 18.000F, Peugeot 403 52000km d'origine 6.000F, SM 1971 bon état pour 40.000F, berline 7C 1935 bon état d'origine 15.000F, berline 11B 1955 50.000 km d'origine 14.000F. En 1982, la Citroën 11B (46-57) était officiellement cotée 11.500F, la berline 15/6 24.000F, une SM 40.000F. Finalement les francs d'il y a 35 ans sont les euros d'aujourd'hui. Cela étant, en 1985, les trois étaient passées respectivement à 16.000, 31.000 et 65.000F ! Tout augmente ma bonne dame... Les cotes flambèrent jusqu'à l'orée des années 90 avant de dégringoler vertigineusement.
Conclusion :
Il est fréquent d'entendre "quand on aime, on ne compte pas". Ce dicton sous-entend "au diable les raisonnements et faisons-nous plaisir sans entrave". Ce dicton est pour moi... sans valeur. Pourquoi ?
Parce qu'il est sensé nous dédouaner de nos excès. Parce qu'à moins de gagner énormément d'argent, d'en gagner continuellement sans se soucier de l'avenir, il n'est guère possible de dépenser sans regarder à la dépense. Rares sont ceux qui peuvent le faire. Tout le monde compte, c'est humain car de quoi sera fait demain ? Certes nous n'emporterons rien dans l'au-delà. Comme nous pouvons transmettre, évitons de transmettre des dettes. De même qu'on acceptera une légère perte sur une vente, on tolérera un léger dépassement des débours mais pas au-delà d'un certain pourcentage des recettes.
Même si je suis passionné par les véhicules et mécanismes anciens, je ne crois pas au concept de véhicule tellement aimé qu'il autorise tous les sacrifices. Parfois un jour, il faut vendre. Ne pas y songer me semble être une faute.
J'espère par cette petite étude avoir un peu débroussaillé la jungle des transactions et du marché, qui vient compléter celle que j'avais menée en 2007.
© 2015 Jérome COLLIGNON
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